Finance sans conscience

Finance sans conscience

Allons bon ! Voilà de nouveau une série de grandes banques sous le coup d’une procédure judiciaire : elles se seraient acoquinées pour « manipuler le cours » des devises. Ce qui ne serait pas un mince exploit, si les faits pouvaient être démontrés : le marché des changes brasse environ 4.000 milliards de dollars par jour, infiniment plus que les besoins du commerce mondial. Or, pour trafiquer les cours dans des volumes d’une telle taille, il faut faire preuve d’une belle ingéniosité. Après l’entourloupe des subprime, le tripatouillage du Libor, l’arnaque quotidienne du trading à haute fréquence, le maquillage des bilans et probablement d’autres roueries non encore inventoriées, on finit par se demander s’il existe une seule activité réglo dans le métier de banquier. Et d’une façon générale, si l’on peut trouver un seul marché boursier qui ne soit pas manipulé. Car pour dégager d’énormes profits récurrents sur leur pôle de trading (c’est-à-dire de spéculation), il est nécessaire de disposer d’une constante baraka, hypothèse improbable à cette échelle ; ou bien d’être perfusé d’informations d’initié, la méthode la plus sûre bien qu’expressément illégale ; ou bien de tricher constamment par tous moyens justifiant la fin. C’est donc une démarche bien étrange, de la part de la Justice, que de harceler les institutions financières pour des pratiques consubstantielles à l’exercice normal de leur profession. A peu près la même chose, par exemple, qu’accuser de meurtre le bourreau dans un Etat qui légalise la peine capitale. Et lui imposer une grosse amende pour sanctionner sa mauvaise conduite, et aussi, hum, pour améliorer l’ordinaire du Trésor.

Pour orchestrer la spéculation, d’énormes moyens sont mis en œuvre. En particulier, on soupçonne de grandes banques yankees de bénéficier d’un soutien illimité de la FED pour « coiffer » le cours des métaux précieux, dont l’envolée constitue un risque majeur pour la crédibilité du dollar. Les denrées agricoles ne sont pas exemptes de grandes campagnes spéculatives – avec des conséquences dramatiques dans le monde réel : l’envolée purement spéculative du prix des aliments pour le bétail est, pour une large part, responsable du désarroi actuel de la filière volaillère bretonne. Que fait donc la NSA ? Supposée traquer tout indice de déstabilisation, dans ses efforts vertueux de pacification et de moralisation du monde, elle n’a rien détecté du terrorisme constant de la planète finance. Ce n’est pas très brillant. Si le renseignement américain est capable de détailler le menu quotidien de dame Merkel, qui est aussi secret qu’un bulletin météo, il a ignoré pendant soixante ans le trésor de toiles de maîtres, accumulé en son temps par un marchand d’art au service du Reich. Il aura donc fallu attendre le décès de son héritier pour mettre à jour une collection incroyable, bien que sulfureuse quant à sa provenance. Savez-vous pourquoi l’Oncle Sam n’a rien vu venir ? C’est un scoop : le fils du marchand Hildebrand n’était pas sur Facebook. Malin.

La recette du jour

Succession discrète

Vous avez hérité de quelques Picasso, Matisse et autres Chagall qui n’ont jamais figuré dans la déclaration de succession. Car acquis à vil prix, voire volés, à l’occasion des mouvements migratoires de la dernière guerre. Renoncez au téléphone et évitez de vous inscrire sur les réseaux sociaux. Et surtout, ne mourrez pas ab intestat.

deconnecte