Kidnapping du nénuphar

Kidnapping du nénuphar royal

Nous autres Français ne manquons jamais une occasion de nous friter avec les Anglais. Et vice versa. La presse économique britannique se fait une joie de moquer régulièrement la gouvernance française, présentée comme un mix improbable de bureaucratie soviétique et de folklore cubain. Les Anglais exagèrent, bien sûr. Et leurs tabloïds en rajoutent une louche, quand nos éminences se font paparazzier dans leurs galipettes adolescentes. C’est que les Gibies exigent de leurs politiques une rectitude morale très victorienne. Ces derniers se montrent toutefois moins vertueux lorsqu’il s’agit de business. Au point que nos voisins d’outre-Manche pourraient, à l’avenir, justifier de solides motifs de récrimination à l’égard des Français. Par la faute de deux grandes firmes hexagonales, qui viennent de rejoindre le consortium chargé d’exploiter le gaz de schiste au royaume de Sa Très Gracieuse Majesté. Et ce, par la technique très controversée de la fracturation hydraulique, celle-là même que nos dirigeants ont prudemment prohibée dans nos contrées. Croisons les doigts pour que des dommages collatéraux irréversibles ne viennent pas déclencher une nouvelle Guerre de Cent ans.

Une autre preuve de la négligence britannique à l’égard de la Nature : le jardin botanique royal de Londres s’est laissé voler un spécimen rarissime de Nymphaea thermarum, un nénuphar nain – ou plus exactement de petite taille, pour respecter le politiquement correct en usage dans les jardins anglais. Scotland Yard est sur les dents, on s’en doute, mais il est peu probable que ses fins limiers puissent renifler la piste du maraudeur : les jardiniers amateurs sont innombrables en Angleterre. Et tous suffisamment passionnés pour oser chouraver une pièce rare à Sa Majesté. Heureusement, demeure pour les Londoniens la possibilité d’admirer des nénuphars qui ne fanent jamais. A la National Gallery. La toile est baptisée Sea-roses : c’est l’une des quelque 250 Nymphéas de Monet. Peu de chances qu’elle soit un jour volée : les gardiens du musée sont autrement plus vigilants que les jardiniers des Kew Gardens. Et autrement plus scrupuleux que les géologues amateurs du cabinet de David Cameron.

La petite annonce du jour

Lu dans le Financial Times : « Gouvernement britannique échange nénuphar nain contre concession d’exploitation gazière et la reconnaissance éternelle de Sa Majesté ».

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