L'espion qui allait (...)

L’espion qui allait au froid

Les températures caniculaires continuent de faire des dégâts inattendus. Tout particulièrement sur le continent américain, où elles font enfler les chevilles du Président, des élus et des commentateurs de la grande presse. Car l’Oncle Sam a essuyé une insolence de la part du pouvoir russe, qui a refusé d’extrader le jeune Snowden. Au contraire, l’asile politique a été accordé à ce dernier, en dépit de la promesse américaine de ne pas le torturer, ni de l’assassiner. C’était plutôt sympa. Tout au plus le lanceur d’alerte encourait-il une centaine d’années de prison, conformément à la clémence légendaire de la plus grande démocratie du monde. En foi de quoi la Maison-Blanche a-t-elle décidé de priver Poutine de l’honneur d’un entretien en tête-à-tête avec Obama, programmé en marge du prochain G20 de Moscou. Le pauvre Vladi voit ainsi s’envoler l’insigne privilège de parler en privé avec l’Empereur de la planète, lequel l’aurait guéri des écrouelles qui altèrent son image politique. La presse yankee applaudit des deux mains la « riposte » de Washington au crime de lèse-majesté moscovite. Les voix discordantes sont rares, mais il faut signaler la charge virulente de Paul Craig Roberts, ancien Secrétaire-adjoint au Trésor sous l’administration Reagan : il dénonce la « puérilité » de la Maison-Blanche et du Congrès, qui selon lui « discrédite l’Amérique ».

Il faut reconnaître que l’attitude des élus témoigne d’une certaine schizophrénie : alors que le Congrès était à deux doigts de couper les ailes à la NSA – l’Agence convaincue d’espionner la Terre entière, y compris les Américains et leurs alliés -, il se montre quasi-unanime à réclamer la tête du messager Snowden. Pendant que le président Obama explique à ses ouailles que son homologue Poutine, ci-devant patron du KGB et à ce titre suspect d’arrière-pensées staliniennes, entend rétablir la « guerre froide » au lieu de se plier docilement aux vertueuses injonctions des States. Lesquels sèment vertueusement le chaos un peu partout, notamment en Syrie, et assassinent vertueusement, par drones interposés, quiconque est suspect de ne pas vouer à l’Amérique l’amour et l’allégeance qu’elle mérite. Si bien que personne de sensé ne peut accorder le moindre crédit à l’avis d’alerte générale lancé par les USA, quant aux projets d’actions terroristes que la NSA aurait détectés grâce à ses grandes oreilles – justifiant opportunément ses pratiques illégales. Car les Islamistes forcenés n’ont aucune raison de renoncer au téléphone arabe, au profit du cellulaire qu’ils savent aussi sûr que le tam-tam africain. A moins d’une manœuvre délibérée visant à affoler la barbouzerie étasunienne. De ce fait, même si un attentat devait se produire, les USA deviendraient suspects de l’avoir eux-mêmes manigancé. Les précédents sont suffisamment nombreux pour qu’une telle éventualité soit prise en compte. Mais comme l’a écrit G.G Shaw, « L’expérience nous apprend que les hommes n’apprennent jamais rien de l’expérience  ».

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