L'espionnite bactérienne

L’espionnite bactérienne

Que reste-t-il de la vie privée de tous ceux qui ne sont pas président de la République ? Plus possible d’entrer chez son chocolatier préféré sans qu’une caméra indiscrète nous surprenne en flagrant délit de gourmandise. Pas question, on s’en doute, de faire du gringue à la chocolatière, même avec un casque sur la tête. Plus possible d’aller, incognito, quérir son pot de miel chez l’apiculteur du fin fond de la pampa : même sans vidéosurveillance, c’est le smartphone qui nous moucharde à la NSA. C’est donc désormais un exploit que de parvenir à planquer ses sous en Suisse, en échappant à la surveillance de la concierge, des caméras et des satellites. Et celui qui y parvient reste à la merci d’un quelconque Falciani, qui siphonne les informations de la banque et les met en vente sur eBay. Pas étonnant que les banques remplacent leurs employés par des robots, dont la loyauté n’est jamais prise en défaut.

Figurez-vous que les Suisses ont fort à faire avec la protection de leurs secrets. Pas seulement ceux qui dissimulent l’identité des titulaires de coffres-forts paradisiaques. Car il y a d’autres trésors nationaux en Helvétie, outre le chocolat et le fendant : on veut parler des fromages. Lesquels sont légitimement protégés par une AOP, notamment l’emmental qui, pour être inimitable, n’en est pas moins abondamment contrefait. Spécialement lorsqu’il est conditionné sous forme râpée, car l’état-civil du fromage ne peut être vérifié (il est gravé sur sa croûte). Et les fameux trous ne sont alors plus visibles – les trous que produisent les bactéries propioniques, en libérant du dioxyde de carbone par digestion des sucres. Ce pourquoi Agroscope, l’équivalent suisse de l’Inra français, s’est évertué à mettre au point une méthode susceptible de débusquer les contrefaçons des fromages protégés. En introduisant une bactérie espionne, utilisée par les seuls fromagers labellisés. Evidemment, l’identité de la bestiole n’a pas été divulguée. Il semble que même la NSA ne l’ait pas démasquée. Bien fait pour les Américains : qu’il continuent de bouffer du carton-pâte baptisé emmental, et les vaches suisses seront bien gardées.

La recette du jour

A bon pis bon prix

Vous êtes sensible à la réputation justifiée des fromages suisses. Alors, mettons les choses au point : le gruyère suisse n’a pas de trous, contrairement à son équivalent français. C’est l’emmental qui a des trous. Pour savoir s’il est suisse, deux moyens de contrôle : d’abord, il est hors de prix. Ensuite, il a cette douce saveur de noisette que lui confère Lactobacillus helveticus, une bactérie secrète qui prospère légalement dans les pis des vaches suisses. En cas de doute, alertez Agroscope.

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