Le QI de l'impôt

Le QI de l’impôt

Voilà donc ouvert un chantier qui devrait mobiliser les techniciens de l’impôt, les parlementaires distingués, les syndicats patronaux, les commentateurs de tout poil et les ratons laveurs : « rendre la fiscalité sur les entreprises plus intelligente ». Telle est l’ambition hier annoncée par le ministre de l’Economie, qui a confirmé l’abandon du projet de taxer l’excédent d’exploitation, brut ou net : il faut donc supposer que cette idée était un peu trop sotte. Tel est du moins l’avis du Medef, qui n’a pas ménagé ses munitions pour canarder une ébauche de taxe dont les inventeurs, à Bercy, vont se faire remonter les bretelles après avoir été (probablement) félicités pour leur ingéniosité : il n’est pas raisonnable d’envoyer son ministre au charbon avec un projet bidon.

Se pose donc inévitablement la question que tous les gouvernements français, depuis la naissance de la République, ont négligemment évitée : qu’est-ce qu’une fiscalité intelligente ? La fiscalité des entreprises, s’entend : celle des particuliers peut continuer d’être arbitraire, pifométrique et complètement conne. Comme sous l’Ancien Régime. Mais celle des firmes, c’est une autre affaire : elle doit avoir du sens. Mais du sens pour qui ? Pour celui qui taxe, la réponse est évidente : l’impôt intelligent est celui qui rapporte gros. Pour le contribuable, c’est celui qui ne coûte rien. Ou que l’on peut aisément éluder, grâce aux ressources inépuisables de l’ingénierie fiscale, une discipline qui compte beaucoup plus d’artistes talentueux que le Salon de l’Art Contemporain. On comprend que dans ce contexte, l’impôt peut difficilement être considéré comme intelligent par les deux parties, aux intérêts strictement opposés. Il en résulte que dans le bras de fer qui débute, la solution finale devrait consacrer le génie de la faction qui a le plus de pouvoir, tout en permettant à l’autre de sauver la face. Il faut faire confiance aux magiciens de la comptabilité pour découvrir des instruments de mesure moins rustiques que l’EBE. Et plus faciles à manipuler. En attendant, les besoins de trésorerie de l’Etat seront couverts par une surtaxe de l’IS. Bon, d’accord, c’est plutôt banal. Un peu trivial, même. Voire benêt. Mais pour s’excuser de céder à la facilité, le Ministre a promis que la mesure serait temporaire. On respire.

La recette du jour

La fiscalité sans peine

Vous êtes ministre des Finances et à ce titre bien embêté pour joindre les deux bouts. Surtout si l’on exige que vous rendiez intelligentes les ponctions imposées aux contribuables. Ne vous lamentez pas. Car le Parlement finira par voter votre budget. Si vous étiez Américain, vous ne seriez même pas certain de pouvoir compter sur lui.

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