L'oeuf sans poule

L’oeuf sans poule

Ils n’ont pas de chance, les éleveurs de pondeuses en batterie. La nouvelle réglementation les a obligés à rendre un chouïa plus confortables leurs camps de concentration : désormais, chaque locataire doit disposer d’un espace vital de la taille approximative d’un feuillet au format A4, et pouvoir accéder à un bout de perchoir sans piétiner une congénère. Les poulaillers new style ont coûté un bras et ressemblent aux plages méditerranéennes en plein été, mais sans les marchands de glaces. L’année dernière, les travaux de mise aux normes avaient provoqué une baisse de la production, donc une hausse des prix. Laquelle a encouragé de nouveaux investissements, bien entendu, au point d’aboutir à la situation présente de surproduction. D’autant que le consommateur, affligé par les conditions de détention des volatiles, préfère désormais acheter les œufs codés 0 ou 1, correspondant à des élevages bio ou en plein air (code 2 pour l’élevage en volière et code 3 en batterie). Les militants vont même jusqu’à renoncer à l’œuf sur le plat et à l’omelette, pour protester contre la sauvagerie de l’élevage industriel. Bref, la filière concernée (environ les trois-quarts de la production française) connaît des jours difficiles.

Pour ajouter à la douleur, voilà qu’une start up américaine vient de mettre au point un œuf de synthèse, à partir d’extraits de céréales diverses. Enfin, on suppose qu’il s’agit seulement du jaune d’œuf, celui que les biscuitiers utilisent en priorité – sauf les fabricants de meringues et d’îles flottantes, bien entendu. Mais le premier usage industriel de cet œuf synthétique, c’est la mayonnaise. Dont les Américains font une consommation excessive : la mayo sans œufs ne règlera pas leur propension à l’obésité, sauf à inventer une huile dépourvue de lipides ; mais elle éliminera le cholestérol, ce fléau de la malbouffe globalisée. Reste donc à fabriquer le blanc d’œuf synthétique pour épargner définitivement aux poules leur incarcération criminelle, et prévenir en même temps quantité d’accidents cardiovasculaires. Accessoirement, ce sera une façon d’honorer la mémoire d’Henri IV : en voyant l’allure misérable d’une volaille de réforme dans le rayon du supermarché, personne n’a envie de cuisiner une poule au pot, même en pleine semaine. Dommage, car c’est un plat de saison.

La recette du jour

L’œuf écolo

Vous élevez deux poules sur votre balcon, qui éliminent vos déchets ménagers et vous offrent leur œuf quotidien. Une fausse bonne idée : les œufs vous bombardent de cholestérol et vous n’oserez pas mettre au pot vos volailles domestiques. Un vrai gâchis. Faites plutôt du compost avec vos déchets et cultivez des céréales. Avec les économies réalisées sur votre santé, offrez-vous une moissonneuse-batteuse.

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