L'UE et l'agar-agar

L’UE et l’agar-agar

Nous autres hominidés appartenons à une espèce vraiment singulière. Une espèce évolutive, ingénieuse et invasive. Nos plus lointains ancêtres auraient, semble-t-il, près de 10 millions d’années. D’accord, c’est beaucoup moins que les blattes, vieilles de 400 millions d’années, et qui n’ont guère évolué depuis – bien que s’étant remarquablement adaptées à l’adversité. Il paraît que lorsque le CO2, les radiations nucléaires et les niaiseries télévisées auront eu raison de la vie terrestre, les cancrelats continueront de prospérer. C’est plutôt déprimant. On ne sait si le genre homo, le nôtre, à peine vieux de 200.000 ans, parviendra à de telles performances : il faudrait pour cela qu’il invente des résidences souterraines au lieu d’édifier des gratte-ciel, et qu’il puisse résister à un mois de jeûne – ce que réussissent sans peine les cafards. Encore que, sur le terrain alimentaire, la technologie vienne balayer les craintes légitimes de famine, à cause de la croissance constante des populations. Chacun pourra désormais cultiver son potager en appartement, dans un espace super-réduit, sans avoir besoin de terre, ni d’eau ni de lumière. Demain, la famille s’attablera directement autour du potager. Cool. Le miracle est rendu possible par le recours à une bouillie d’agar-agar, cette algue que l’on utilise aujourd’hui comme gélifiant en lieu et place de la gélatine porcine – proscrite par le culte mahométan. Avec quelques cellules-souche en culture pour façonner les steaks, le terres agricoles deviendront inutiles – ça tombe bien, vu que leur mode d’exploitation actuel les rendra bientôt totalement bréhaignes.

En dépit de son comportement suicidaire, le sapiens aurait donc encore quelques millions d’années devant lui. Sous réserve toutefois qu’il développe le sens de l’intérêt général propre aux cancrelats. Là, les doutes sont permis. On pourra bientôt en juger au fonctionnement du nouveau Parlement européen, désormais représentatif d’une hallucinante Tour de Babel, dans laquelle les élus ne pourront même pas se mettre d’accord sur leur rôle au sein de l’institution. En supposant que chacun ait une idée précise de la question, ce qui n’est pas avéré. Nous voici donc entrés dans une phase d’entropie politique aiguë, marquée par le triomphe du confusionnisme – un brouet indigeste de tout et de n’importe quoi. On attend donc avec impatience que le génie humain mette au point l’agar-agar intellectuel qui permette de recoller les morceaux. Et qui fabrique le terreau commun à la survie de notre espèce. Car les temps présents continuent d’offrir aux cafards une longévité bien supérieure à la nôtre. Pourtant, ils n’ont pas inventé le fil à couper le beurre, eux.

La recette du jour

Les aléas de l’analyse

Vous êtes spécialisé dans l’étude de l’opinion publique et vous avez été commis d’office pour une analyse des élections européennes. On comprend votre désarroi : vous ne savez rien du sentiment majoritaire de la majorité qui s’est abstenue. Et vous n’en savez guère plus sur celui de la majorité de la minorité qui s’est exprimée. Démissionnez avant de perdre votre foi en la démocratie.

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