La géopolitique de concier

La géopolitique de concierge

C’est drôlement sympa, la société de l’information. Un nouveau monde dans lequel tout ce qui se passe, n’importe où sur la planète, peut être observé, écouté et archivé. Car le moindre froncement de sourcils ou la plus banale répartie ont leur importance, qu’il s’agisse du pékin anonyme ou d’une éminente personnalité. A quoi ça sert ? Ben, personne n’en sait trop rien. C’est un peu comme les reliques que vous entassez au grenier sous prétexte que « ça peut servir » : un jour, vous les exhumez à la faveur d’une braderie et contre toute attente, vous découvrez un client pour votre lampe de chevet déglinguée, ou pour le cendrier difforme que votre fille, aujourd’hui quadragénaire, confectionna pour la Fête des Pères lorsqu’elle était en classe maternelle. Autant de rossignols qui iront s’accumuler dans le grenier des acquéreurs avant d’être abandonnés aux encombrants, ou faire la joie des archéologues du prochain millénaire. L’avantage avec le stockage numérique de l’information, c’est qu’un grenier peut contenir en détail la vie entière de millions d’individus. Si dans vingt ans vous souhaitez écrire la saga de votre famille, vous pourrez ainsi découvrir que le 24 octobre 2013 à 9h43, l’Oncle Paul a acheté Les Petites-Affiches au kiosque, juste après être sorti de chez le coiffeur. Ce sera bigrement passionnant.

C’est donc à tort que les Ecolos dénoncent notre société comme celle du gaspillage. En matière d’information, il n’y a plus de déchets. Rien n’est jeté. Même si l’on est tout-à-fait incapable de tirer du sens dans cet invraisemblable bric-à-brac. Voyez par exemple la Bourse, supposée anticiper les grands mouvements de l’économie : ce sont maintenant des robots qui passent les ordres. Leur stratégie de gestion consiste à battre de vitesse les robots concurrents : ils sont capables de deviner le cours d’un titre dans la nanoseconde qui suit. Mais parfaitement ignorants de la santé de l’économie pour le lendemain. Tu parles d’une anticipation. En revanche, sur le plan politique, les robots-espions sont extrêmement utiles à la prévision : ils permettent de lire en live les pensées les plus secrètes de ses adversaires ou de ses partenaires, ce qui est autrement plus facile que de tenter de les deviner. Voilà pourquoi les Américains, qui ne brillent pas par les constructions intellectuelles abstraites, préfèrent écouter le portable de Merkel quand elle commande une pizza, ou pirater en loucedé les blagues dont notre Président gratifie ses proches dans l’intimité. L’Oncle Sam peut ainsi adapter sa politique à celle de l’Europe. Et donc faire n’importe quoi, sans affoler les chancelleries sous surveillance de la NSA. Ecouter aux portes : voilà le cœur de la géopolitique contemporaine, coco.

La recette du jour

Communication de crise

Vous êtes dans les affaires et convaincu que les Américains piratent vos communications téléphoniques et vos courriels. C’est probablement le cas. Ne renoncez pas pour autant à vos échanges. Racontez plutôt des bobards au téléphone et dans vos mails. Et confiez vos messages sérieux à des pigeons voyageurs : ils échappent aux grandes oreilles de la NSA.

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