La Loi du Scalp

La Loi du Scalp

Si vous avez quelques scalps dans votre grenier, il est temps de les exhumer. Non, pas ceux dont vous auriez hérité d’un lointain ancêtre amérindien – ou d’un plus lointain aïeul : Hérodote prétend que les guerriers scythes se confectionnaient un vêtement en cousant ensemble les scalps de leurs ennemis. La haine en justaucorps, ça tient chaud. Les tueries modernes sont à peine moins barbares : on en connaît qui rêvent de coiffer leur lampe de chevet avec la tignasse de Kadhafi. Et c’est justement pour raser le Colonel que la « Coalition », enfin, disons plutôt la France, a besoin d’un stock de « Scalp ». Il s’agit d’un merveilleux missile dit « de croisière », car celui qui le croise voyage directement vers le paradis d’Allah. Ces pétards d’artifice coûtent un bras – 850.000 euros pièce, à l’étal du Figaro du jour – et ils sont à usage unique, comme un suppositoire. Si bien que le Washington Post, ce journal américain autrefois célèbre pour ses scoops détonants, prétend que si l’offensive libyenne piétine, c’est parce que les soldats humanitaires coalisés, enfin, disons plutôt les Français, n’ont pas assez de munitions. Entendez par là : pas assez de fric pour regarnir les rayons. « C’est pas vrai, on a plein de Scalp » rétorque un expert français, soucieux de défendre la solvabilité de son armée. Nous voilà rassurés.

Pourtant, une guerre coûte cher. Même avec une « armée Croix-Rouge », dont la vocation est exclusivement de « protéger les civils ». Surtout lorsque vos alliés rechignent à mobiliser leur armement et leur argent. Et que votre plus gros actionnaire, les Etats-Unis, décide de ne s’occuper que de l’hôtellerie : la Maison-Blanche recherche un lieu de vacances pour Mouammar, au cas où quelqu’un réussirait à le convaincre de partir. Bref, le consensus atlantiste autour de la guéguerre sarkozyenne est plutôt mou. Et les opposants montent d’un cran dans la critique. Certes, Le Quotidien du Peuple chinois se fait discret sur le sujet, se contentant de relever que droits de l’homme et duplicité font mauvais ménage. Mais La Pravda, porte-voix du sentiment officiel russe, n’y va pas par quatre chemins. Et relève que l’intervention en Libye outrepasse grossièrement la portée de la résolution de l’ONU qui l’a autorisée. Intitulé La Libye et la Loi l’article assassine l’outrecuidance de William Jefferson Hague, Secrétaire du Foreign Office. Si la « Coalition » fait un pas de plus dans l’escalade, il est permis de penser que Moscou lui fera un croc-en-jambe.

La recette du jour

Battue au sloughi

Votre sloughi libyen devient turbulent et vous énerve. Faites acter par l’ONU qu’il a la rage et tentez de le noyer. S’il sait nager, lancez-lui quelques Scalp (pas trop, c’est assez cher). S’il en réchappe et que vos copains se défilent, par crainte des dommages collatéraux de votre duplicité, priez pour que les Américains lui trouvent une niche avant que les Russes ne se décident à l’adopter.

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