La révolution décatie

La révolution décatie

Vous n’étiez pas à Cuba ? Eh bien, vous avez raté un événement important. A peine moins protocolaire qu’un mariage princier et plus rare qu’une cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Vient en effet de se tenir le Congrès du parti Communiste de Cuba, le sixième du genre depuis la Révolution, qui fêtait pour l’occasion son cinquantième anniversaire. L’âge de la maturité pour l’individu ; l’âge des illusions perdues pour les systèmes dogmatiques. Car la révolution cubaine a largement dépassé l’état de maturité : elle est désormais blette. Le pays ne s’est pas remis de la disparition du patriarche de la famille communiste : après la chute du Mur, les généreuses donations soviétiques ont cessé. Privée de ses cosmétiques, la danseuse de Moscou s’est fanée sous ses dentelles ; ayant perdu son statut de courtisane, elle a dû laisser ses enfants se prostituer pour nourrir la famille. Quiconque traverse La Havane contemporaine prend immédiatement la mesure du tsunami psychologique qui a ravagé la population, désabusée mais prisonnière du credo officiel et de la délation institutionnalisée. Chacun dénonce tout le monde pour les manquements aux évangiles castristes ; la corruption et l’arnaque du touriste sont les deux mamelles de la survie. La honte supplante la rouerie dans l’œil des Cubains, plus affligés par leur pleutrerie que par leur crédulité.

Ainsi donc, à la faveur de cinquante d’ans d’expérience révolutionnaire, le régime peut faire un bilan. C’est assurément un succès sur le plan de l’éducation et de la santé. Pour le reste, eh bien, il devient nécessaire d’entamer une deuxième révolution. En empruntant à l’ennemi idéologique bon nombre des principes que l’on a jusqu’alors vigoureusement combattus. Comme si les autorités venaient d’achever la lecture des œuvres de Friedrich Hayek et de Milton Friedman, au moment où le reste du monde tente de se débarrasser des outrances de leurs mentors. Et dans un sursaut de lucidité, le pouvoir juge nécessaire de faire entrer du sang neuf sans ses rouages. En limitant à dix ans la durée d’un mandat électif. Voilà pourquoi Fidel, le leader historique de la Révolution qui fêtera ses 85 ans cet été, vient de renoncer à la direction du Parti, qu’il assumait depuis sa création. Pour la confier à son frère Raul, un jeunot de 80 ans, auquel il avait déjà délégué ses fonctions de Chef de l’Etat, dans la plus pure tradition démocratique. On n’a pas vérifié sur place, mais les Cubains doivent être enthousiastes face à une ouverture qui va, d’évidence, provoquer un courant de fraîcheur considérable. Et tous les vautours de la planète vont survoler l’Ile en escadrille, pour le cas où il y aurait encore quelque carcasse à dépiauter. Merci, Fidel.

La recette du jour

Testament à la Fidel

Depuis des lustres vous tenez fermement les rênes de votre maison et vous résistez aux sirènes du consensus gestionnaire ambiant. Votre charisme, vos biscoteaux et votre dialectique logorrhéique vous maintiennent en selle. Sentant la fin prochaine, réunissez vos enfants pour leur dévoiler votre testament : qu’ils vendent le maigre héritage et partent vivre à Miami. Ce n’est pas mieux qu’ici, mais c’est l’Amérique.

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