La stratégie du drongo

La stratégie du drongo

On a bien fait de glander sans retenue durant ce week-end à rallonge du 1er mai. Car pendant que l’on célébrait la Fête du Travail par un farniente plus ou moins mérité, la conjoncture de notre pays entrait en convalescence. L’information figurait dans le JDD, qui tenait son tuyau de l’Elysée : « le retournement économique arrive ». Bon, d’accord : un gouvernement ne peut pas faire grand chose pour la croissance, quand il n’a pas un radis pour stimuler l’activité. Mais il dispose de postes d’observation privilégiés qui lui permettent, comme Sœur Anne, de voir venir. C’est ce qui est sympa avec l’économie : comme ce n’est pas une science exacte, des prévisions contradictoires ont chacune autant de chances de se révéler exactes. Un jour ou l’autre : il suffit d’être patient. Ou « confiant », selon la terminologie officielle. Il en est de même en matière de politique économique. Voyez par exemple le tabac que fait le jeune Piketty aux Etats-Unis, avec son Capital au XXIème siècle. Personne ne conteste ses bases documentaires, qui démontrent un processus généralisé d’accroissement des inégalités et de concentration des fortunes. Mais s’il prêche pour une fiscalité massacrante au-delà d’un certain seuil de revenus, d’autres défendent des stratégies autrement moins agressives : « Plutôt que d’attaquer le capital et le capitalisme, pourquoi ne pas augmenter le nombre de personnes pouvant bénéficier de capital ? En somme, pourquoi ne pas créer plus de capitalistes ? ». Ben ouais, voilà une idée qu’elle est bonne.

Du reste, la preuve est faite, aux Etats-Unis, que la fortune est accessible au pékin. Il suffit d’observer que les signes extérieurs de richesse y sont beaucoup moins ruineux que chez nous. Voyez par exemple le One 57, ce gratte-ciel de Manhattan bientôt achevé, qui sera l’adresse des milliardaires. C’est vrai qu’un penthouse dans les derniers étages coûte presque 100 millions de dollars – pour 1.259 m2, tout de même. Mais un appart modeste de 200 m2 vaut à peine plus de 20.000 euros le m2, ce qui reste très raisonnable pour l’adresse la plus prestigieuse de New York. Voilà qui démontre le talent des Américains pour « créer plus de capitalistes ». Ils maîtrisent parfaitement la stratégie du drongo, ce passereau africain passé maître dans l’art de la rapine. Ce drôle d’oiseau espionne les autres espèces à la recherche de leur nourriture ; quand elles ont trouvé un gisement, il imite le cri des prédateurs pour les faire fuir. Il peut alors se goinfrer en paix dans leur garde-à-manger. La technique s’appelle l’escroquerie à la pétoche.

La recette du jour

La fortune par espionnite

Vous cherchez depuis longtemps un moyen de faire fortune et vous n’avez toujours rien trouvé. Cessez de vous creuser les méninges et partez observer le drongo dans le désert du Kalahari. Il vous apprendra comment espionner les riches Américains. Et comment les dépouiller en leur flanquant la pétoche – par chantage ou devant les tribunaux.

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