Le concombre démasqué

Le concombre démasqué

On découvre dans Le Figaro du jour le cliché très opportun d’un « champ de concombres » espagnol. Ce doit être une erreur : on dirait plutôt une autoroute allemande qui aurait été emballée par Christo. Et ensemencée de végétation tropicale : avec une seule feuille de ces pieds de concombre, pour pouvez fabriquer le toit d’une hutte africaine. Impressionnant. Mais il ne s’agit pas d’illustrer l’industrie de la construction espagnole, qui s’est un peu lâchée ces dernières années : la surproduction de logements a colonisé les terres arables, si bien que le territoire des agriculteurs s’est réduit aux voies de circulation. C’est malin. A ce rythme, les Espagnols seront contraints de transformer en serres les appartements vacants, après avoir ensemencé les sièges de leur bagnole devenue inutile.

En attendant, les autochtones préfèrent se nourrir de roubignoles de taureaux et exporter les produits de leur agriculture de synthèse chez leurs compères européens. Seulement voilà : anodin en diable et insipide à souhait, le concombre ibérique serait porteur d’une bactérie criminelle et sélective, qui agresse en priorité les ressortissants allemands. Par quel étrange phénomène la bactérie tueuse a-t-elle choisi d’attaquer les Teutons, alors qu’elle a jusqu’à ce jour épargné les populations voisines – à l’exception des imprudents qui ont séjourné en Allemagne ? La réponse est simple et l’on s’étonne que les milieux scientifiques tardent autant à la découvrir. Figurez-vous que les Allemands mangent le concombre espagnol. Si, si, c’est authentique. Alors que partout ailleurs, les consommateurs utilisent le concombre pour le seul usage qui soit réputé inoffensif : le masque de beauté, depuis longtemps mis au point par les Françaises coquettes (un concombre écrasé, un verre de lait ; appliquer la purée obtenue sur le visage pendant vingt minutes). Il en résulte un malentendu qui empoisonne les relations intra-européennes : les Allemands accusent les producteurs espagnols ; les Espagnols dénoncent les transporteurs allemands. Les plus pragmatiques sont les Autrichiens, qui ont décrété l’embargo sur les concombres espagnols transportés par les camions allemands : seuls sont désormais autorisés les produits élevés dans les cliniques suisses, où l’obsession de l’hygiène est proverbiale. Ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir les légumes helvétiques testeront le masque de beauté au melon de Cavaillon : c’est de saison.

La recette du jour

Concombre nucléaire

Vous avez cru au succès de l’horticulture à l’espagnole, qui produit en masse fruits et légumes sur des dalles en béton. C’est efficace, mais dangereux : les récoltes sont désormais réservées à l’industrie cosmétique. Faites l’acquisition d’un bout de terrain à Fukushima : sans engrais ni pesticides, vous obtiendrez des concombres de la taille d’une citrouille. Garantis sans bactéries.

Note technique sur le sujet. Selon l’information d’un observateur autorisé, la bactérie en cause proviendrait du contact desdits concombres avec… des excréments (le contact ayant pu avoir lieu n’importe où). Avis aux consommateurs : que les produits soient répertoriés « bio » (comme les concombres en cause) ou non, mieux vaut les laver avant consommation…

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