Le Mondial de Johannesbur

Le Mondial de Johannesburg

Il y a quelques endroits dans le monde où tout individu qui compte doit absolument se trouver au moment opportun ; quelques événements qu’un VIP branché ne peut absolument pas rater. Le Carnaval de Venise, par exemple, ou la finale du Mondial, ou les soldes chez Harrods. Hier, ceux qui n’étaient pas à Johannesburg passeront pour des trous-de-balle jusqu’à la fin de leur vie. Car aucune autre occasion ne leur sera offerte de célébrer la mémoire d’une personnalité portée au rang d’icône planétaire, pour avoir catalysé l’abrogation d’un régime politique ségrégationniste. Lequel fut pourtant constamment soutenu par les prédécesseurs des chefs d’Etat qui se pressaient hier pour honorer ce saint laïque, longtemps entôlé sous l’étiquette de terroriste communiste. Il semble bien, du reste, que Mandela n’ait jamais abandonné ses préventions à l’égard du système américaniste en général, et des Etats-Unis en particulier. Le site dedefensa rappelle ce jugement sans appel du past president sud-africain : « S’il est un pays qui a commis d’indicibles atrocités dans le monde, ce sont bien les Etats-Unis. Ils sont indifférents au sort des êtres humains ». Indifférents aussi à la solennité d’un tel moment, si l’on en juge au comportement du président Obama, pris en flagrant délit d’ingénuité alors qu’il capture un « selfie » en compagnie d’homologues étrangers. Le selfie, c’est l’autoportrait que les ados postent sur les réseaux sociaux, pour rendre jaloux les potes qui n’ont pas eu la chance de partager un moment exceptionnel.

Bref, un grand show de tartufferie hollywoodienne, célébrant les vertus de nos sociétés victorieuses des préjugés racistes, débarrassées des prétentions colonialistes et désormais emplies d’une grâce humanitaire dévorante. Les interminables discours assommants qui ont ponctué l’événement ne laisseront aucune trace dans la mémoire collective. En revanche, les commentateurs ont d’ores et déjà abondamment glosé sur les deux Falcon nécessaires pour convoyer le Président français en exercice et son prédécesseur. Avec calcul à l’euro près des surcoûts occasionnés par cette mesquinerie protocolaire. Et pour saluer le « moment historique » d’une poignée de mains entre Obama et Raul Castro, comme si ce contact éphémère allait bouleverser le cours de la politique internationale pour les siècles des siècles. On a dû entendre jusqu’aux portes du Purgatoire les ricanements aigres de Nelson Mandela, lui qui professa jusqu’à son dernier souffle une admiration intacte pour la Révolution castriste. Et un mépris viscéral pour l’Oncle Sam, avec lequel il dut pourtant composer pour écrire sa merveilleuse épopée. On ne sait le sort que la bienpensance mondiale réservera aux funérailles futures de Frederik de Klerk, dernier président de l’apartheid. Mais son rôle dans la transition pacifique fut déterminant.

La recette du jour

Tartufferie compassionnelle

Vous avez toute votre vie combattu un adversaire coriace qui vous a obligé à composer avec lui. Ne soyez pas amer. Si vous avez la chance d’assister à ses funérailles, savourez le jugement matois de feu Roger Strauss, célèbre éditeur new-yorkais : «  Le succès, pour moi, c’est vivre plus longtemps que mes ennemis ».

deconnecte