Le patriotisme désargenté

Le patriotisme désargenté

Selon un cardinal français, «  Il est plus difficile sans doute d’être saint quand on est pape ». On veut bien le croire : l’exercice du pouvoir, fût-il spirituel, impose des contraintes qui ne sont pas nécessairement conformes à la lettre du dogme. Mais au moins les deux papes béatifiés en ont-ils scrupuleusement respecté l’esprit. Quant à lui, le pouvoir temporel se conforme à des évangiles à géométrie variable ; ce pourquoi, sans doute, il est difficile d’identifier la sainteté dans l’univers de la politique et du business. On saura bientôt si la grâce a touché les divers protagonistes qui se pressent autour du berceau d’Alstom, qui fait l’objet de la convoitise de General Electric. Sous l’inquiétude du Gouvernement au nom du « patriotisme industriel », et des conséquences, pour le pays, de la perte de contrôle d’une firme aux spécialités pointues. Et sous l’angoisse de l’Européen Siemens, catastrophé à la perspective de voir se constituer un concurrent suffisamment baraqué pour lui abîmer méchamment le portrait.

Ainsi donc circulait, ce week-end, l’idée vertueuse de faire naître deux « champions européens » par hybridation des deux firmes européennes : à Siemens le pôle énergie, à Alstom le pôle transports. Sauf que cette option ne serait pas la plus pertinente, aux dires des experts industriels. Outre le fait qu’elle serait inévitablement coûteuse en emplois, par suppression des nombreux doublons. Les uns et les autres se trouvent ainsi confrontés à des choix cornéliens. Heureusement, dans le domaine des affaires contemporaines, un argument demeure décisif : l’argent. Il se trouve que GE dispose en Europe d’un véritable trésor de guerre (60 milliards d’euros), dont le rapatriement aux Etats-Unis ferait l’objet d’une imposition à 35%. Autant dire que le firme américaine a tout intérêt à investir en Europe, et que ses moyens explosent littéralement les modestes 9 milliards dont Siemens disposait à la fin de l’exercice dernier. S’il fallait donc établir un pronostic quant à l’issue de la bagarre en cours, on accorderait un avantage substantiel au Yankee contre le Teuton. Mais pour permettre à nos ministres patriotes de sauver la face, nul doute que GE s’engagera, croix de feu croix de fer, à préserver les emplois. Moralité : pour engendrer des champions européens, mieux vaut prendre l’initiative. Avant que les semeurs de zizanie américains ne viennent vous obliger à y renoncer.

La recette du jour

Business en famille

Le bons sens aurait dû vous conduire à marier votre entreprise avec celle de votre cousin, afin de constituer une firme vraiment concurrentielle. Mais les relations familiales sont empreintes de suspicion réciproque. Attendez-vous en conséquence à ce qu’un Raminagrobis yankee vienne vous mettre d’accord, en croquant l’un et l’autre.

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