Le retour des alchimistes

Le retour des alchimistes

Les alchimistes ne sont plus très nombreux aujourd’hui, mais ils n’ont pas complètement disparu. Ces lointains descendants de Zozisme de Panopolis ne s’intéressent guère à la pierre philosophale et à l’élixir de longue vie, mais les techniques de transmutation ne les laissent pas indifférents, pas plus que la distillation fractionnée qui continue d’alimenter la pharmacopée homéopathique. Pour ce qui est de la quête d’immortalité, c’est plutôt du côté des biotechnologies que les nouveaux alchimistes prétendent trouver les moyens de nous faire vivre mille ans, ce qui est une autre façon de promettre l’Enfer sur Terre à ceux d’entre nous qui l’auront mérité. En revanche, on continue d’identifier une foule d’alchimistes d’opérette parmi la gent politique. Des Zosime aux petits pieds qui s’acharnent à transmuter les vessies en lanternes, par des formules incantatoires distillées dans les cornues des officines de communication. Il n’est pas exclu qu’à force de manipuler sans précautions autant de calembredaines, les tubes à essais finissent par leur péter au nez.

Mais les rêves de transmutation habitent également les milieux scientifiques. Personne ne cherche à changer l’eau en vin, encore que ce serait faire œuvre salutaire, vu le cours atteint aujourd’hui par un modeste flacon de Lafite Rothschild. Personne ne tente davantage de changer le plomb en or, car il existe des transmutations bien plus rentables dans l’industrie des stupéfiants et dans celle de la finance. Non : la grande quête, c’est la transformation de l’eau en carburant. Voilà des années que l’information circule : un laboratoire de la Navy américaine serait parvenu à synthétiser du kérosène à partir de l’eau de mer. En craquant les molécules de H2O et de CO2 – la concentration de ces dernières est 140 fois plus importante dans les océans que dans l’air ambiant – et en recombinant les atomes de carbone et d’hydrogène pour produire du kérosène. L’expérience n’est pas aisée, mais elle est en effet réalisable ; l’histoire ne dit rien, cependant, sur son bilan énergétique (il faut une énorme quantité d’électricité pour la mener à bien). Les nouveaux alchimistes de la Marine procèdent ainsi avec le kérosène comme leurs homologues du Trésor avec l’argent : pour que leurs bécanes ne restent pas en rade, il fabriquent du carburant à des prix de revient astronomiques. Au lieu d’imaginer de nouveaux modes de propulsion. Entre nous, mieux vaut ne pas compter sur eux pour rendre notre civilisation immortelle.

La recette du jour

L’existence sans essence

Vous estimez qu’il est désormais trop coûteux de désaltérer votre limousine à la pompe. On vous comprend. Si vous habitez en zone côtière, vous pouvez imiter la Navy et fabriquer votre benzine par électrolyse de l’eau de mer. Mais vous serez ruiné avant d’être arrivé à votre bureau. Adoptez plutôt la bicyclette. Ou restez chez vous. De toute façon, travailler ne rapporte plus que des clopinettes.

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