Le sapiens prolifère

Le sapiens prolifère

Pas étonnant que la qualité de l’air se détériore : nous sommes 7,14 milliards de Terriens à le respirer cette année. Six fois plus qu’à la naissance de feu Alfred Sauvy, le premier patron de l’Ined – notre Institut des études démographiques, qui vient de publier ses plus récentes statistiques de la population mondiale. Le sapiens n’est donc pas menacé de disparition, du moins pas encore, en dépit de ses efforts désespérés pour massacrer ses congénères et rendre l’environnement invivable pour toutes les autres espèces. Remarquez, le tableau n’est guère plus reluisant dans les océans : les méduses y prolifèrent, au point que l’Homme a dû inventer des robots tueurs pour tenter de les exterminer, avant qu’elles ne boulottent les réserves de son garde-manger maritime. Mais le plus préoccupant dans la publication de l’Ined, ce sont ses projections à l’horizon 2050. A cette date finalement assez proche, l’Europe comptera moins d’habitants qu’aujourd’hui. Certes, les pays du Nord et de l’Ouest continueront de se peupler (respectivement +20% et +5%), en dépit du recul allemand ; mais au Sud et surtout à l’Est, ce sera le déclin. A croire qu’un passé communiste anesthésie toute velléité de procréation. Mais que l’on se rassure : les Français continuent d’assurer le renouvellement de leur population (pour partie grâce à leurs importations, il est vrai, qui pèsent sur le solde de la balance extérieure), ainsi que les Italiens, grâce à la popularité du bunga-bunga berlusconien.

A plus longue échéance, la répartition des masses de population se trouve complètement bouleversée. Ainsi, à l’horizon 2100, l’Afrique à elle seule réunirait environ 40% de la population du globe. Ce n’est pas que l’espace manque à ce continent, mais les ressources risquent de lui faire cruellement défaut. Il faut toutefois se montrer circonspect face aux projections démographiques de très long terme : elles sont à-peu-près aussi fiables que celles des climatologues. Ainsi, selon les démographes, le seul Nigéria réunirait plus de 900 millions d’habitants à la fin du siècle – cinq fois plus qu’aujourd’hui. Sachant qu’une bonne partie du pays est totalement désertique, et qu’il est largement ouvert sur le Golfe de Guinée – donc exposé à la montée spectaculaire des océans que nous promet le GIEC à cette échéance – le billettiste n’ose imaginer l’enfer grouillant que serait le Nigéria en 2100, si les ordinateurs des démographes étaient infaillibles. Heureusement pour les Nigérians, leur pays est riche en pétrole – ce qui ne l’empêche pas de trimballer un déficit chronique. En foi de quoi ses ressources précieuses devraient-elles logiquement exciter les convoitises et susciter, un jour ou l’autre, un « printemps » dévastateur. Ainsi donc, les autochtones ne seront pas nécessairement plus prospères à la fin du siècle ; mais ils seront probablement beaucoup moins nombreux que ne le prédisent les modèles démographiques.

La recette du jour

Eduquer, c’est prévoir

Vous avez une confiance inébranlable dans les prophéties démographiques. Ainsi, dès leur naissance, faites inscrire vos enfants, ou petits-enfants, à l’Université de Lagos. Ce n’est pas que l’enseignement nigérian soit irréprochable. Mais ce sera un bon moyen pour vos descendants d’apprendre le Haoussa, l’Igbo et le Yoruba, qui seront les langues du business vers la fin de ce siècle.

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