Le Secret de la Licorne

Le Secret de la Licorne

Laurent Gbagbo désormais “capturé”, le calme n’est toujours pas revenu à Abidjan, note aujourd’hui la presse avec un brin d’hébétude, comme si ladite capture avait dû signer la fin d’un match âprement disputé. Et que les supporters des deux camps, une fois entendu le coup de sifflet final, avaient dû regagner sagement leurs pénates dans l’attente du prochain derby. Les actes guerriers sont désormais scénarisés à outrance ; les médias en tirent la matière inépuisable d’un story telling aseptisé, se focalisant sur les péripéties clinquantes et dérisoires d’empoignades de jeu vidéo, où l’on n’évoque que pudiquement les dommages collatéraux ordinaires – les atrocités auxquelles s’adonnent sans retenue les forces en présence. Le public a besoin d’une trame hollywoodienne taillée à la serpe : au cas d’espèce, le Bon, la Brute et… deux Truands. Chaque commentateur « autorisé » se sent obligé de prendre parti, sur la base de considérations qui relèvent souvent de la géostratégie d’opérette et qui négligent sans vergogne les ambitions sensément humanitaires qui ont engagé l’ONU et les troupes françaises dans un conflit interne.

C’est donc sans surprise que les analystes de la presse étrangère se montrent, dès aujourd’hui, particulièrement critiques à l’égard de la France, qui aurait confié à la Licorne des objectifs outrepassant largement les limites posées par la résolution de l’ONU. Comme d’habitude, pensera-t-on : le machin onusien est devenu une carpette élimée que les gros sabots des gendarmes de l’ordre moral maculent sans précaution. Dans une allocution télévisée empreinte d’un humour noir inattendu, le vainqueur Ouattara lâche le morceau : "Aujourd’hui, une page blanche s’ouvre devant nous, et c’est ensemble que nous allons écrire l’histoire de la réconciliation" a-t-il déclaré. Avant de promettre la rigueur des tribunaux et pire, faute d’affinités, au challenger déchu et à ses proches. Comprenne qui pourra. C’est bien là que le nouveau pouvoir est attendu au tournant : la « page blanche », c’est-à-dire de façon métaphorique le retour en force prévisible des intérêts non-africains, venant épauler ceux du nouveau Président. Dont on ne tardera pas à (re)découvrir qu’il est un businessman multinational prospère et pas très clair, si l’on ose dire, dans les moyens mis au service de sa prospérité. Une version moderne de Tintin et le Secret de la Licorne : l’enjeu est bel et bien un trésor.

La recette du jour

Fortune en chimère

Vos affaires sont entravées par la présence horripilante des concurrents. Dénigrez-les sans retenue, accusez-les d’empoisonner les puits. Si cela ne suffit pas, prenez les armes contre eux avec l’aide de la Licorne – elle purifie l’eau de ses poisons. Et comme seule une vierge peut capturer la Licorne, vous êtes tranquille : dans votre monde luciférien, il n’y en a pas.

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