Le solstice de l'Ecureuil

Le solstice de l’Ecureuil

Savez-vous ce qui préoccupe le plus nos concitoyens en ce 14 avril ? Non, non, pas un tsunami sur la centrale nucléaire de Fessenheim : il faudrait un vent d’apocalypse pour soulever une vague de 10 mètres sur le grand canal d’Alsace. Non, ce qui angoisse tous les Français, du nourrisson au vieillard, c’est que ce jour est la veille du 15 avril. D’accord, ce n’est pas un scoop : chaque année à la même époque, c’est le même scénario. Mais depuis une date récente se produit le 15 avril un phénomène déterminant pour la prospérité future de l’Hexagonal : la fixation du taux... du Livret A. Ce jour-là, le Gouverneur de la Banque de France sort de la penderie son habit de cérémonie et sa solennité de croupier. Et depuis la fenêtre de son bureau, il annonce urbi et orbi sa décision de proposer une révision intermédiaire dudit taux, au Ministre de l’Economie qui dispose. Ou bien il laisse sa fenêtre close, pour le plus grand dépit des foules impatientes, amassées en contrebas d’icelle. C’est un moment-clef de la liturgie de l’épargne, qui se renouvelle le 15 octobre, ces deux échéances constituant les solstices de l’Ecureuil.

Jadis, le Ministre de l’Economie prenait la décision seul, après avoir consulté les personnalités compétentes, sondé son attaché de presse et exploré les entrailles d’un poulet auvergnat, sacrifié pour l’occasion sur les marches du Palais Brongniart. Quelle que fût sa décision, il se trouvait toujours quelques mécréants pour en contester le bien-fondé. C’était assommant. Pour prévenir toute chicane et sanctifier le dogme, la fixation du taux fait désormais l’objet d’un calcul automatique. Une formule d’airain. On vous épargne les modalités pour aller à l’essentiel : selon le texte consacré, le taux pourrait être porté à 2.25% (contre 2% à ce jour). Ce n’est pas rien : un demi-milliard d’euros de plus dans la cagnotte du pékin, pour la seule épargne stockée sur le Livret A. Sera-t-on donc plus riche à compter du 1er mai, échéance de l’indexation éventuelle ? Eh bien, ce n’est pas certain. Car si le mode de calcul est impératif, la décision de l’appliquer reste discrétionnaire. Si bien que la modernité du système ne change pas grand-chose au cérémonial antérieur, ni aux embarras du Ministre des Finances. Qui devra à nouveau sacrifier une bestiole avant de prendre sa décision. Ou avaler une couleuvre après qu’elle lui aura été imposée…

La recette du jour

Automatismes de gestion

Vous êtes chef d’entreprise et vos salariés ne cessent de réclamer des augmentations. C’est fatiguant. Mettez en place un système de rémunération automatique, référencé sur le méridien de Greenwich et indexé sur le coefficient des marées à Plougastel, lors du solstice d’hiver. Si le coefficient dérape, faites une déclaration de catastrophe naturelle à votre assureur. Et mettez vos employés au chômage technique.

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