Mission : Incognito

Mission : Incognito

Vous aimez utiliser votre webcam pour communiquer en live avec votre fiston qui fait un trek au Népal ? Ou avec votre petite amie qui est en stage dans une banque qatarie ? Eh bien, vous avez gagné : vos échanges sont probablement stockés dans les bibliothèques numériques de la NSA ou de son homologue anglaise. Pas de quoi fouetter un chat : une conversation téléphonique classique aurait également été piratée, un mail décrypté, un courrier postal scanné ou un pigeon voyageur capturé avant d’arriver à destination. C’est, paraît-il, le prix à payer pour garantir notre sécurité. Car cette capture d’images est beaucoup plus précieuse que les banalités verbales que vous avez échangées : votre portrait viendra enrichir les bases de données du système de reconnaissance faciale, dont les logiciels vous identifient dès que vous passez devant l’objectif d’une caméra de surveillance. Pour peu que dans vos papotages intimes, vous ayez affiché votre tête, bien entendu. Il semblerait en effet que bon nombre de ces échanges filmés aient un caractère « explicitement sexuel  » : ils ne sont utilisables que dans la lutte contre le terrorisme pornographique.

C’est semble-t-il à tort que de telles pratiques sont décriées : selon les psychologues et psychiatres de toute obédience, chaque individu exprime un besoin irrépressible de reconnaissance. L’espionnite généralisée concourt ainsi à la satisfaction de l’intérêt général, en permettant à chacun d’échapper au morne incognito. On est donc surpris d’observer l’enthousiasme pour les technologies susceptibles de protéger nos petits secrets. Comme ce smartphone qui s’autodétruit en cas de tentative d’ouverture forcée. Dans le style de Mission : Impossible. C’est bien gentil, mais le propriétaire de l’appareil aura toutes les peines du monde à reconstituer ses propres données. A moins d’en demander copie à la NSA, qui les a depuis longtemps enregistrées. Il faut savoir ce que l’on veut : en demandant à nos téléphones d’enregistrer les détails les plus insignifiants de notre vie quotidienne, on enrichit de monstrueuses bases de données. Qui ne nous aident en rien, mais servent plutôt des intérêts malveillants. Votre mission, si vous l’acceptez, sera de cultiver la discrétion. Ce billet s’autodétruira dans 5 secondes.

La recette du jour

L’art du secret

Vous redoutez que votre intimité soit dévoilée grâce à la technologie sophistiquée de l’espionnite moderne. Confiez vos secrets à la concierge plutôt qu’à votre webcam. Tout le monde sera au courant, mais personne n’y croira.

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