Perseverare diabolicum

Perseverare diabolicum

Et voilà, ça leur pendait au nez : à force de chahuter, les Grecs ont été privés de télé. Enfin, quelques Grecs seulement : il semble que l’audience cumulée des chaînes publiques (radio et télévision) ne soit que marginale, bien que l’institution emploie près de 3.000 personnes, parmi lesquelles certaines émargeraient sans avoir jamais mis un pied dans la maison. Comme la Troïka harcèle le Gouvernement pour n’avoir encore rien entrepris de sérieux dans la nécessaire restructuration des personnels publics – ce qui au demeurant est exact -, la décision d’Athènes marque un tournant vigoureux dans la cure que subit déjà le pays. Ainsi, il est question de recomposer un nouveau pôle audiovisuel public après les vacances d’été, avec le tiers seulement des effectifs antérieurs. En deux coups de cuillère à pot, le Gouvernement aura réussi à satisfaire ses créanciers, qui réclamaient le licenciement de 2.000 fonctionnaires. Il n’est pas sûr que le mutisme des émetteurs publics soit un problème pour les populations : de toute façon, voilà un moment que les journalistes n’avaient que de mauvaises nouvelles à annoncer. Et entre deux, ils se mettaient en grève, au risque d’exaspérer les cohortes de chômeurs ainsi privés du seul loisir gratuit qui leur fût encore accessible.

Le coup de force d’Athènes ne manque pas de surprendre. Il intervient juste après que le FMI et la Commission ont publiquement reconnu que leur « plan de sauvetage » de la Grèce était foireux, et qu’ils y étaient allés trop fort dans les exigences d’austérité. Reconnaître leur erreur, voilà qui les honore ; mais persévérer dans la même voie, c’est plutôt inquiétant. Cela signifie que pour débile que soit la stratégie retenue, il n’est d’autre solution que de la poursuivre, faute de disposer en rayon d’une option alternative. La Grèce étant le tube à essais d’expérimentations téméraires, les autres Etats-membres de l’Union seraient bien inspirés d’accroître leur vigilance. On ne saurait trop recommander à nos aiguilleurs du ciel et à nos cheminots d’y réfléchir à deux fois avant de paralyser les aéroports et les gares ferroviaires. Cela pourrait donner l’idée à nos comptables publics de fermer la Direction générale de l’aviation civile ou de liquider la SNCF. Il deviendrait alors évident que l’on peut vivre sans prendre l’avion ou le train. Vous vous rendez compte des économies ? Et vu ce que coûte l’organisation du baccalauréat, ce serait faire œuvre de salubrité publique que de supprimer un diplôme qui, paraît-il, ne vaut plus rien. Tant qu’on y est, sacrifions l’Education nationale : elle produit, dit-on, de plus en plus de jeunes analphabètes et nous coûte pourtant les yeux de la tête. Vivement que la Troïka s’intéresse à notre cas. Mais de grâce, qu’elle ne nous prive pas de télé !

La recette du jour

Sagesse à la grecque

Votre vol de ce matin a été annulé pour cause de grève des aiguilleurs du ciel. Tant pis, vous décidez de prendre le train. Mauvaise pioche : les TGV sont également paralysés. Respirez, ce n’est pas important. Profitez-en pour lire ou relire les philosophes grecs. Ils ont acquis leur sagesse sans regarder la télé et en voyageant à pied. Exactement comme les Athéniens contemporains.

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