Propos de comptoir

Propos de comptoir

Que font les Anglais après leur journée de travail ? Chacun connaît la réponse, qui relève de la caricature : ils vont au pub s’envoyer une pinte de bière, soit l’équivalent d’un seau d’un breuvage aussi plat qu’une tisane de houblon. Enfin, tel était le cas jadis, au temps où les Français portaient le béret et une baguette de pain sous le bras. C’était avant que la fiscalité ne vienne surtaxer les boissons alcoolisées afin d’obliger les autochtones à la tempérance. C’était avant la prohibition de la pétune publique, laquelle rendait l’air des estaminets aussi délicieusement irrespirable. Désormais, une taxation assassine vide les pubs et les bureaux de tabac, et encourage les brasseries clandestines ainsi que la culture indoor de cannabis – les Anglais sont connus pour avoir la main verte. Il en résulte que sur les 30 dernières années, nos voisins ont singulièrement réduit leur consommation de boissons alcoolisées. Certes, ils picolent encore chez eux, mais le contrôle conjugal bride les pochtrons. De ce fait, les sujets de Sa Très Gracieuse Majesté sont en meilleure santé et ils font des économies substantielles : voilà qui explique à la fois la limitation de l’offre médicale et la multiplication, à Londres, du nombre de milliardaires. La sobriété fait des centenaires et mène à la fortune.

Tout cela est extrêmement positif, sauf pour la corporation des bistroquets qui perd une trentaine de membres chaque semaine. Mais cette vague de vertu entraîne des dommages collatéraux considérables sur la société anglaise. Le pub était traditionnellement le lieu privilégié de rencontres et d’échanges. Il en résulte que le British moyen se trouve désormais privé de l’enrichissement intellectuel qui résulte des discussions de bistrot. Où va-t-il désormais débattre des conséquences incalculables de cette nouvelle qui tombe sur les téléscripteurs : la princesse Charlene de Monaco est dans l’attente d’un heureux événement. Après trois ans de mariage, l’affaire n’a rien d’exceptionnel. Mais la Princesse porterait des jumeaux. Et s’il s’agit d’héritiers mâles, va se poser un délicat problème de succession au trône : lequel des deux sera-t-il appelé à régner ? Un tel problème ne peut être résolu que par les éminents spécialistes de la dévolution successorale monarchique que sont les pubistes britanniques. En l’absence d’un consensus de comptoir, Albert II sera obligé d’aller consulter la reine Elisabeth, et supporter l’infâme thé au jasmin que la souveraine a coutume de servir à ses hôtes. On ne peut souhaiter une telle torture au Prince, qui va déjà devoir apprendre à langer les bébés à l’approche de la soixantaine. On le demande solennellement au Premier ministre Cameron : il faut alléger la fiscalité sur la picole anglaise. En termes géopolitiques, l’enjeu est autrement important que la désignation du président de la Commission européenne.

La recette du jour

Prudence dynastique

Vous avez tardé avant d’assurer votre descendance afin de limiter strictement le nombre de vos héritiers : l’intégrité du patrimoine familial est à ce prix. Seulement voilà : la nature vous offre des jumeaux. Si vous êtes Prince de Monaco, hâtez vous de conquérir le comté de Nice et un morceau de la Savoie : vous éviterez ainsi une guerre de succession.

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