Ricardo et le juridisme

Ricardo et le juridisme de bastringue

Savez-vous pourquoi les Etats-Unis produisent les trois-quarts des avocats de la planète ? Vous pouvez invoquer la sophistication du système judiciaire américain : en leur qualité autoproclamée de première démocratie du monde, les States doivent mobiliser les moyens de défense appropriés. D’autant plus que l‘Oncle Sam prétend imposer sa juridiction à la Terre entière. Vous pouvez également invoquer l’appétence des Yankees pour le délit : nombreux sont ceux qui descendent des pionniers de la « conquête de l’Ouest » et qui ont, à ce titre, hérité de la pathologie du hors-la-loi. Tout cela concourt probablement à la prolifération des avocats américains, mais la première raison relève banalement de la théorie économique : celles des avantages comparatifs de Ricardo. Théorie selon laquelle un pays développe naturellement les activités dans lesquelles sa spécialisation est affirmée. Autrefois, les Etats-Unis étaient un géant industriel ; aujourd’hui, ce sont les plus grands spécialistes mondiaux de la chicane. Une telle évolution est cohérente : voilà des lustres que le pays s’enrichit dans la finance, une activité permettant de faire beaucoup d’argent à partir de rien. Il suffit d’une armée d’avocats pour dépouiller légalement ses semblables, et d’un soutien militaire pour piller ceux qui ne se soumettent pas spontanément à la lex americana.

Tout cela témoigne du grand saut de l’humanité dans l’économie de l’immatériel, qui concentre le business que l’on appelait jadis brigandage en col blanc. Désormais, tout ce qui est interdit devient défendable : il suffit d’engager les avocats les plus qualifiés. Nul n’échappe à cette dérive. Depuis quelques heures, le Président Obama en personne se trouve sous le coup d’une grave irrégularité : il a laissé expirer le délai requis pour rendre légale l’intervention de son pays en Libye. La loi américaine lui imposait en effet de faire ratifier par le Congrès la poursuite des opérations. Sauf que certains avocats de la Maison-Blanche ne rangent pas cette odyssée dans la catégorie des « hostilités », telles que prévues par la loi (américaine) définissant les pouvoirs guerriers du Président. Il ne s’agirait selon eux que du « soutien » à l’une des factions de belligérants, et le texte ne prohibe pas expressément le recel d’hostilités. Ce qui n’est pas interdit est autorisé. De son coté, l’Otan est accusée d’avoir provoqué la mort de civils dans ses bombardements humanitaires. Ce qui est assez vraisemblable : les bombes n’ayant pas l’odorat affûté des chiens truffiers, les dommages collatéraux sont inévitables. Eh bien, pour se conformer à la loi (américaine), une enquête va être diligentée. Par… l’Otan. L’accusé mène l’enquête : nous voici parvenus au dernier stade de la jurisprudence démocratique, marquée par le triomphe du juridisme de bastringue sur le droit international. On peut commencer à s’inquiéter...

La recette du jour

Business à l’américaine

Le développement de vos affaires est entravé par un écheveau de lois et de règlements contraignants : le législateur européen ne comprend rien au business. Migrez aux Etats-Unis. Engagez une cohorte d’avocats pour défendre vos affaires et une armée de gardes du corps pour protéger votre peau. C’est coûteux, mais vous devriez devenir très riche. Si vous survivez à la férocité de vos concurrents.

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