UE : croissance par (...)

UE : croissance par décret

Nous sommes sauvés. La croissance va repartir partout en Europe. Ou plus exactement, le PIB de l’Union va cette année connaître une confortable embellie. Non, ce n’est pas la même chose, sans vouloir jouer sur les mots. Certes, le PIB mesure la richesse produite, et personne ne sait vraiment comment cette production va évoluer. En revanche, tous les Etats de l’Union vont devoir changer leur façon de la calculer. Il devient désormais obligatoire – dernier délai en septembre – de comptabiliser le produit des activités illégales, celles que les intervenants traitent « au noir » par nécessité. Et qui ne sont donc pas appréhendées par les statistiques publiques, faute d’être assujetties aux multiples prélèvements dont bénéficie l’activité déclarée. L’idée n’est pas idiote, et une proposition en ce sens avait été faite voilà déjà plus de vingt ans. Seront donc désormais prises en compte toutes les activités occultes, pour peu que les transactions se fassent sans contrainte sur les intervenants : les profits de l’esclavage demeurent exclus, mais le travail au noir librement consenti entre en ligne de compte, en ce compris celui de la prostitution volontaire et du trafic de drogue librement assumé. Sur ces nouvelles bases, pas mal d’Etats de l’Union aujourd’hui décavés vont prospérer, compte tenu de la taille de leur économie souterraine.

Les citoyens n’en seront pour autant pas mieux lotis. Au contraire : avec l’augmentation (virtuelle) de leur PIB, ils devront acquitter à l’Union des contributions (réelles) plus élevées. L’amélioration mécanique de leur ratio d’endettement va-t-elle rendre plus bienveillantes les agences de notation ? Il est permis d’en douter, car cette « nouvelle » richesse ne rapporte rien à l’Etat, faute d’être taxée. En foi de quoi voudrait-on suggérer une autre approche de la production nationale, qui non seulement tienne compte de toute valeur ajoutée non déclarée, mais qui surtout fasse l’objet des prélèvements appropriés. Les tâches ménagères, par exemple, échappent au PIB lorsqu’elles sont réalisées par les membres du couple – équitablement, cela va sans dire dans un pays comme le nôtre, sourcilleux en matière d’égalité des sexes. On devrait les taxer au titre de travail dissimulé. De même que le bénévolat, ce qui pourrait bientôt arriver aux participants des spectacles vivants. Et que dire des malandrins propriétaires de leur logement, qui privent le PIB d’un loyer ? Il est heureusement question d’intégrer cet avantage en nature à leur revenu imposable. Le même sort devrait être réservé aux filous qui entretiennent un jardin potager, aux resquilleurs qui taillent eux-mêmes leur haie et aux innombrables arnaqueurs qui s’obstinent à se raser au lieu de recourir à un barbier. Tout acte gratuit serait ainsi comptabilisé et imposé en conséquence. Sauf les bénéfices résultant du vol : voilà sans doute pourquoi cette activité a le vent en poupe. Et pas seulement chez les malandrins patentés.

La recette du jour

La prospérité, c’est le vol

L’intégration fiscale est en bonne voie. Sur la base d’un nouveau paradigme : rien de ce que vous faites ne sera épargné par la taxation. Sauf le vol. Abandonnez donc toute activité licite et employez-vous à détrousser vos contemporains. Et surtout, surtout, ne faites rien de vos dix doigts : externalisez toutes les taches domestiques. Elle vous vaudront un crédit d’impôt.

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