Ulysse au pays de l'or

Ulysse au pays de l’or noir

« L’Aube de l’Odyssée » ? Mon dieu ! On aimerait bien savoir qui, au pays de l’Oncle Sam, est chargé de baptiser les opérations militaires. Certes, le choix du nom échappe rarement à la caricature. Il faut bien véhiculer une forte charge symbolique, qui illumine les nobles intentions de l’assaillant ; il faut par les mêmes mots terrifier l’adversaire et galvaniser ses propres troupes. Simples, directs, du premier degré : « Tempête du désert », « Plomb fondu », voilà des noms de code bien conformes à la langue militaire, où la mobilisation de deux-cents mots suffit à mener campagne. Ou peut-être moins, finalement. Mais l’Aube de l’Odyssée, entre nous, fallait oser. Qu’est-ce qui lui arrive, au Pentagone ? Si « Moby Dick » se met à recruter des poètes, des gens qui ont peut-être lu Homère, enfin, qui ont au moins entendu parler de lui, s’ils se mettent à recruter des collaborateurs maîtrisant la lecture et l’écriture, qui connaissent autre chose de la Grèce que ses dettes épiques et l’ouzo de Lesbos, alors il ne faut pas chercher plus loin le déclin de l’Amérique. C’est que la plus grande armée du monde est devenue une troupe de majorettes.

Il n’empêche que l’on a quelque difficulté à trouver le sens de la métaphore ; le parallèle subtil qui rapprocherait l’antique Ithaque de la moderne Libye. Et puis au fait, qui donc incarnerait le personnage d’Ulysse ? On ne voit personne. Tout comme Kadhafi dans le rôle de Pénélope : ce n’est pas vraiment crédible. L’Odyssée est une épopée, pas un film d’épouvante : il semblerait que les scénaristes de l’US Army aient un peu abusé de la moquette. A moins que ce nom de code soit à décrypter sous le scanner de la psychanalyse. Comme étant l’expression d’un fantasme longtemps refoulé. Celui de prendre le contrôle total et définitif de tous les gisements pétroliers de l’Afrique au Proche-Orient ; de mener les aventures guerrières adéquates pour vampiriser toute l’huile précieuse ; de transformer, s’il le faut, ce qu’il reste de terres habitées en désert hostile. Si la chasse au Colonel n’est que « l’aube » de cette Odyssée, le programme nous promet une longue litanie d’atrocités homériques. A moins que cet épisode ne marque plutôt le crépuscule de l’Ancien monde, cupide, cynique et barbare, que la colère de Zeus aurait condamné à l’ensablement définitif.

La recette du jour

Epouvantail homérique

Votre époux légitime a disparu voilà vingt ans, lors de sa quête épique d’un paquet de cigarettes. Et voilà que des vents opportuns le font accoster chez vous, perclus de remords et de rhumatismes. Déguisez-vous promptement en Kadhafi ordinaire : la frayeur le renverra derechef vers une nouvelle Odyssée et la conquête d’une Pénélope moins décrépite.

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