Musique : touchons du (…)

Musique : touchons du bois !

Alerte pour les clarinettes, hautbois, violons, contrebasses ! La rareté croissante des essences traditionnelles de bois utilisées dans la fabrication des instruments est devenue un sujet d’inquiétude chez les musiciens et les luthiers. Au point que l’Orchestre de Provence Côte d’Azur a relayé une pétition pour la sauvegarde de cette matière première aussi rare que spécifique.

« Pour les formations de musique classique, notamment les orchestres symphoniques et les ensembles de cordes, la libre circulation en tournée pourrait devenir quasi impossible ou se faire avec un matériel de moindre qualité, compromettant ainsi grandement la justesse et la finesse de nos interprétations », alertent ces professionnels de l’excellence.

L’Azuréen François Arnaud fait vibrer son archet sur les notes de jazz. ©DR

Ils sont plus particulièrement préoccupés par la survie de deux espèces indispensables : la grenadille, utilisée pour les instruments à vent, et le pernambouc, qui seul permet de produire des archets modernes.
Les autres essences les plus prisées sont le palissandre, l’acajou et l’épicéa rouge. Ce dernier entre dans la fabrication des tables d’harmonie des violons, comme pour les Stradivarius, qui atteignent des valeurs astronomiques pour leur qualité sonore exceptionnelle. Ces instruments peuvent être restaurés. Des luthiers contemporains s’inspirent encore aujourd’hui des techniques du maître de Crémone pour fabriquer des violons « à l’ancienne » : on fait appel à la science, à l’imagerie 3D et à l’analyse des vernis pour retrouver leur son unique.

Un « usage raisonné »

Le violoncelliste Charles Arzounian vit dans le pays grassois. ©DR

Surexploitation, déforestation, changement climatique, aléas politiques : ces difficultés d’approvisionnement mettent donc en péril la fabrication et provoquent une hausse des prix. Les pays producteurs de ces bois « musicaux » en restreignent l’exportation. De leur côté, les musiciens défendent l’idée de « soutenir et défendre un usage raisonné de ces bois de lutherie en distinguant clairement la préservation nécessaire des forêts des menaces d’interdiction pure et simple ». La crainte dans les fosses d’orchestre, c’est que les luthiers soient contraints d’utiliser des bois de moindre qualité.
Face à cette crise, plusieurs pistes sont possibles : l’utilisation d’essences européennes, l’innovation technique et même des matériaux alternatifs. En attendant, des luthiers organisent des ateliers et des rencontres de sensibilisation. Des musiciens et des artistes connus s’engagent, comme Thomas Dutronc, Diane Tell, Angelo Debarre, David Reinhardt.
Les luthiers et les archetiers ont été entendus pour le pernambouc : sa commercialisation ne sera finalement pas interdite. Il reste encore à sauver la grenadille, d’un brun rougeâtre moucheté et veiné de noir, dont la dureté est égale à celle de l’ébène.

Visuel de Une : Avishaï Cohen aime faire escale à Nice et Juan. (©M. Lesimple)