On a testé : Trente (…)

On a testé : Trente minutes à 50 degrés !

Le camion de « Climate Sense » s’est arrêté à Vence, une première dans les Alpes-Maritimes. En France, 4 000 personnes ont déjà vécu cette expérience, alors pourquoi pas moi ? J’ai donc testé la vie à 50 degrés. Retour sur 30 minutes étouffantes, dégoulinantes et déroutantes !

Comme dans un four

Marine a osé l’expérience de vivre 30 minutes à 50 degrès...©DR

Après avoir signé une décharge, je rentre dans la pièce de briefing avec Tom et Emma, deux volontaires comme moi. Leur présence me rassure. Prise de température au préalable ; Jérémy Roumian, cofondateur de Human Adaptation Institute, nous projette ensuite dans un scénario à mi-chemin entre réalité et fiction : « On est en 2050, ça fait plusieurs jours qu’on vit une vague de chaleur intense, cette vague de chaleur réduit la capacité de production électrique, on a réorienté la production vers les centres dits vitaux. Nous, pour aller au travail et pour monter au 15ème étage de la tour dans laquelle sont nos bureaux et bien on va devoir y aller à pied…  » Ouverture du sas et là cette sensation de rentrer dans un sauna tout habillé.
Au fond de l’espace exigu à la déco minimaliste, des steps de gym se substituent aux escaliers de la tour. On démarre l’expérience, on plaisante puis rapidement beaucoup moins, la forte chaleur oblige à se concentrer. Un mouvement simple et habituel devient une épreuve : lever le pied semble un défi lancé à la gravité. Emma ressent un certain inconfort, «  des picotements dans le bout des doigts.  »

Moi, au bout de 5 minutes d’effort, je sue à grosses gouttes, ça coule dans mon dos, mon visage s’empourpre comme après une séance intense de course à pied. Le corps met automatiquement en place ses systèmes de refroidissement : vasodilatation des vaisseaux sanguins pour évacuer la chaleur, sudation abondante, respiration plus rapide.
Dix minutes plus tard, je me sers un verre d’eau à température ambiante. Pas de sachet de thé pour l’agrémenter, du café mais rien que l’idée me donne envie de vomir. Je scrute cette partie de la pièce sommairement équipée. Quelques objets du quotidien : une montre en acier me brûle les doigts, impossible de se saisir des ustensiles de cuisine accrochés au mur. De toutes façons comment imaginer utiliser une source de chaleur pour cuisiner ?

Le cerveau en mode dégradé

Emma et Tom... les joues et les esprits commencent à s’échauffer... ©ME

Nous sommes arrivés au travail. L’idée maintenant est de solliciter les fonctions cognitives : dextérité, attention et patience. Pour jouer au Uno, nous sommes tous les trois encore alertes. Emma réussit les premières étapes d’un château de cartes mais Tom s’énerve sur un jeu d’adresse avec une bille. Raté, re-raté : « La chaleur me fait perdre mes nerfs très facilement. La moindre petite chose désagréable va vraiment m’embêter. » Dernière étape : résoudre des problèmes conçus pour des enfants de 12 ans.
Mais au bout de 20 minutes à 50 degrés, mon cerveau est comme ramolli et incapable de se concentrer. Il sature au bout d’un exercice de mémorisation de mots à réécrire dans l’ordre. Tom lit les énigmes à voix haute comme pour mieux les comprendre, il parle de pères, de fils qui vont à la pêche. Je l’entends mais je ne l’écoute pas vraiment, les informations ne parviennent plus jusqu’à mon cerveau. Les neuroscientifiques parlent de diminution de la conduction nerveuse  : les messages circulent plus lentement, la mémoire immédiate se brouille, l’attention se fragmente. « Au-delà de 32 degrés, la productivité baisse de 30 %. La chaleur rend les gens plus irritables et moins enclins à jouer un jeu social, on observe un repli sur soi et une baisse des interactions sociales, l’empathie et l’appétence à être avec les autres », nous explique Jérémy Roumian.

Au-delà de 32 degrés, la productivité baisse de 30 %
et résoudre un problème d’enfat de 12 ans
devient compliqué ! ©ME

Toucher les décideurs

Tous les participants repartent avec en tête l’intention de ne plus revivre ça.
L’expérience questionne sur des choses simples : sera-t-il possible de travailler dehors, d’aller au travail à pied, à quoi ressemblera notre quotidien ? Les solutions, nous les connaissons tous désormais. Human Adaptation Institute veut évidemment faire toucher du doigt cette réalité d’une vie à 50 degrés à chaque citoyen mais la fondation souhaite accentuer son action en faisant visiter Climate Sense aux décideurs. Comme le précise Jérémy Roumian « le camion sera présent au congrès des maires de France et on aimerait également se garer près du palais Bourbon pour sensibiliser les députés ».

Ne plus revivre ça... J’ai eu la tête lourde tout l’après-midi après seulement 30 minutes dans un four à 50. Il y a deux ans, les Pakistanais ont vécu trois semaines à cette température…

Vite de l’eau ! ©ME

Photo de Une : ©ME