Fiducie-Sûreté : Exigibilit

Fiducie-Sûreté : Exigibilité anticipée et mission d’assistance au fiduciaire

La Cour d’appel de Bordeaux a rendu le 18 décembre 2023 (RG 23/04451) un arrêt confirmant un jugement du Tribunal de commerce de cette ville du 14 septembre précédent (RG 2023F00985).
La décision fera date dans la consécration de la fiducie-sûreté comme moyen de garantie de financements.


Par Pierre-Alain RAVOT Avocat au Barreau de Grasse
SAS Pierre-Alain RAVOT membre de l’AARPI LEXWELL AVOCATS

La validation par les magistrats du processus de cession par le fiduciaire des immeubles affectés par des filiales en garantie du remboursement d’un emprunt obligataire par leur société mère via une plateforme de crowdfunding, dont il était poursuivi par les sociétés du groupe l’interruption en raison de l’ouverture d’une procédure collective en leur faveur, tient à la qualité rédactionnelle des cas d’exigibilité anticipée de la dette.

Cas de défaut croisé

Le représentant de la masse des obligataires avait notifié un cas d’exigibilité anticipée de l’ensemble des dettes obligataires des sociétés du groupe, résidant dans le fait que la holding était en défaut de remboursement d’un autre financement obligataire mis en place par la même plateforme de crowdfunding tandis que la fille ne se trouvait pas elle-même encore en défaut.
La holding et ses filiales se sont précipitées pour déposer leur bilan.
Elles ont ensuite avancé que la clause d’exigibilité anticipée insérée dans les contrats d’émission obligataire accordait à la requise 30 jours pour y remédier et qu’à l’intérieur dudit délai, elles avaient obtenu l’ouverture de procédures collectives si bien que l’exigibilité anticipée n’aurait pu produire d’effet.

De plus, une créance impayée antérieure ne pourrait subir une action en paiement ni ne pourrait déclencher la réalisation de la fiducie-sûreté pour compte d’autrui afférente aux immeubles transférés en garantie par des filiales au profit de leur mère, eu égard l’article L.622-21 du Code de commerce.
Cependant, la clause d’exigibilité anticipée avait intelligemment prévu des cas de « défaut croisé »envisageant un défaut de remboursement par la holding, sa fille ou n’importe quelle des sous-filiales du groupe, du chef de leurs propres engagements totalement distincts vis-à-vis de la plateforme de financement, générant l’exigibilité anticipée de l’ensemble des financements obligataires accordés aux différentes sociétés du groupe y compris celui de huit millions d’euros sans incidents à ce moment-là.
Le délai imparti n’était plus alors un délai de régularisation du défaut mais un délai de grâce du paiement rendu exigible et il n’était plus de 30 jours mais de 8 jours.
Les magistrats ont considéré que l’exigibilité anticipée avait valablement pu être acquise avant l’ouverture des redressements judiciaires prononcée quelques jours après.

Mandat d’assistance au fiduciaire

Se posait également la difficulté que la mission d’assistance du fiduciaire dans la gestion des immeubles et la perception des loyers en garantie du remboursement des émissions obligataires, avait été confiée aux constituantes de la fiducie-sûreté, les sous-filiales de la fille de la holding.
Ces dernières ont excipé de ce que la mission emporterait mise à disposition matérielle des immeubles à leur profit par le fiduciaire ce qui aurait pour effet en vertu de l’article L.622- 23-1 du Code de commerce d’interdire toute réalisation fiduciaire sur les immeubles.

La Cour a relevé que la mission était portée par un mandat révocable et que n’étaient déléguées que des tâches d’assistance comptable, financière et de gestion n’attribuant aucun pouvoir d’usage ou de jouissance sur les immeubles ou sur les créances de loyers constituant les actifs fiduciaires demeurés propriétés du fiduciaire seul titulaire du pouvoir d’en disposer.

Une précaution aurait été de missionner en assistance du fiduciaire un prestataire tiers au lieu des constituantes. Les intéressées voulaient sans doute conserver un œil sur la gestion des immeubles transférés dans le patrimoine fiduciaire.
Si pourvoi il devait y avoir, il sera suivi avec intérêt.

Reine des sûretés

Quoi qu’il en soit, les magistrats bordelais ont tenu à scruter les clauses des contrats d’émission obligataire ainsi que celles du contrat de fiducie-sûreté et ont tiré de leur libellé la matière leur permettant de valider la fiducie-sûreté ce qui la confirme dans son rôle de reine des sûretés y compris dans un contexte de procédures collectives.
Il faut enfin savoir que les immeubles ont fait l’objet par le fiduciaire d’un appel d’offres dans un journal économique national et que leur prix de cession devrait permettre de désintéresser totalement et directement les souscripteurs d’obligations sans concurrence avec quelconques autres créanciers.

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