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Fin progressive de l’exonération de la taxe sur les conventions d’assurances (TSCA) pour les véhicules électriques : les assureurs prennent-ils le relais ?


Par Lou-Anne Reynier-Guieu
Étudiante Master 2 Juriste d’Affaires à la faculté de Droit et Science politique de Nice.
Membre ANEJA et AFJE06
Parution dans le cadre du cycle d’étude "Droit des assurances approfondi - L’assurance face à la décarbonation"

Qu’est-ce que la TSCA ?

Les détenteurs de voiture électrique étaient, depuis 2021, exonérés de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances (TSCA). Cette taxe était normalement payée par tout souscripteur de contrat d’assurance. Il s’agit d’un impôt régit par les articles 991 à 1004 bis du code général des impôts (CGI) (1) et remplace
les droits d’enregistrement et timbres appliqués aux assurances. Cette taxe permet le financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) mais aussi certains organismes de protection sociale.

L’exonération de la TSCA ?

En 2020, le gouvernement souhaite favoriser l’achat de véhicule électrique pour réduire la pollution et pour adopter des mobilités vertes.
C’est pourquoi, à travers les dispositions inscrites dans la loi de finances pour 2021, et suite aux différentes propositions de la Convention citoyenne sur le climat, le gouvernement a pris comme mesure l’exonération temporaire de la TSCA pour les propriétaires de véhicules électriques immatriculés à compter du 1er janvier 2021.
Il s’agit d’une aide fiscale importante qui couvre l’assurance multirisque et l’assurance au tiers, de l’assurance auto. Ainsi, cette exonération représenterait, en moyenne, une économie d’un quart des cotisations.

Quel est son objectif ?

Cette aide fiscale permet ainsi aux automobilistes d’investir dans des véhicules électriques écologiques.

Une fin progressive de l’exonération ?

Cependant, comme indiqué précédemment, il s’agit d’une exonération temporaire qui devait prendre fin en 2023. En effet, le projet de loi de finances 2024, présenté le 27 septembre 2023, par le ministre de l’Économie et le ministre délégué chargé des Comptes publics, ne prévoyait pas de prolonger l’exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances pour les véhicules électriques.
Ainsi, cette mesure d’exonération devait prendre fin le 31 décembre 2023 et les propriétaires de véhicules électriques auraient dû voir leur prime d’assurance augmenter à compter du 1er janvier 2024.
Cependant, deux amendements au projet de la loi finance 2024 prolongent cette mesure d’exonération. Néanmoins, quelques modifications y sont ajoutées. Concrètement, les véhicules électriques immatriculés en 2023 bénéficieront toujours des exemptions TSCA l’année prochaine, mais seulement à hauteur de 50 %. Les modèles immatriculés en 2024 bénéficieront d’une exonération totale d’impôt en 2024, puis d’une exonération fiscale de 50 % en 2025. Tous ces modèles perdront cette remise à partir de la troisième année. S’agissant du deuxième amendement proposé par le député Jean-Marc Zulesi, celui-ci maintient l’exonération TSCA pour les véhicules électriques proposés en leasing social. Dès lors, le député précise que “le maintien permettrait de garantir l’accessibilité de la détention d’un véhicule électrique avec une couverture assurantielle de qualité” (2).
Si toutefois, l’exonération TSCA est maintenue pour 2024, cette dernière est amenée à disparaître progressivement. Dès lors, les cotisations augmenteront et cette hausse des prix des primes d’assurances impacteront nécessairement les ventes de véhicules électriques. Les propriétaires actuels de ces véhicules pourraient dès lors changer de véhicule et opter pour un modèle moins cher, et surtout moins vert. Il est donc tout à fait regrettable pour les détenteurs de ces véhicules et pour l’environnement en général, d’assister à une hausse brutale des prix qui incitera les propriétaires à changer de véhicule.

Un nouveau rôle pour les assureurs ?

Si les primes d’assurances pour les véhicules électriques sont vouées à augmenter progressivement, les assureurs ont les cartes en main pour inciter les conducteurs à investir dans les véhicules verts.
En effet, les assureurs jouent un rôle primordial dans la décarbonation des véhicules. Ces derniers adaptent leurs primes en fonction des risques de sinistres liées aux véhicules. Dès lors, le comparateur “Les Furets” indique que “le montant des cotisations d’une assurance auto pour voiture électrique serait en effet en moyenne de 12 % moins cher que celui d’une assurance auto classique” (3). Cela s’explique notamment par l’autonomie limitée des voitures électriques, faisant ainsi des trajets plus courts avec des vitesses moins élevées, réduisant les risques d’accident. Cet avantage statistique se répercute sur des primes d’assurance moins conséquentes proposées par les assureurs. Ces derniers ont, dès lors, une opportunité, faire des réductions sur leurs primes d’assurances afin d’éviter le départ brutal des assurés actuels, mais aussi dans le but d’attirer les nouveaux potentiels propriétaires de véhicules électriques. (4) Il s’agit d’un double avantage pour les assureurs et conducteurs qui permettrait de palier la suppression de l’aide fiscale pour les propriétaires de véhicules électriques.

En l’espèce, les assureurs ont tout intérêt à prendre le relais pour favoriser l’achat de véhicules électriques. Ces derniers sont des acteurs financiers majeurs de l’économie par leur investissement s’élevant à 1524 milliards d’euros en 20215.
Les assureurs sont fortement préoccupés par le réchauffement climatique et sont devenus des piliers incontestables du financement durable en 2015, lorsqu’ils signent le “Paris Pledge for Action” pour s’aligner aux objectifs de limitation de la hausse des températures à 1,5 degré Celsius. Mais aussi en 2017 lorsqu’ils s’engagent à cesser d’investir dans les nouveaux projets liés au charbon. Ou encore lorsqu’ils signent en 2019 la Déclaration de la Place financière de Paris visant la neutralité carbone d’ici à 20506.

Cependant, est-ce leur rôle d’inciter les propriétaires de véhicules à investir dans la mobilité verte ? La réponse n’est pas certaine.
Les primes d’assurances sont les moyens de financement des assureurs. Si ces derniers doivent récompenser les propriétaires des véhicules terrestres afin de soutenir la mobilité verte, en réduisant leur prime d’assurance, leur financement sera également impacté. L’enjeu est donc très important pour tous les assureurs.



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