L'assurance face aux (…)

L’assurance face aux risques liés à la perte de la biodiversité

Souvent ignorée, minimisée voire niée, la perte de la biodiversité [2] représente certainement le plus gros risque de notre époque. Quels en sont les enjeux pour le secteur assurantiel ? L’activité d’assurance dépend peu des services écosystémiques et a un impact limité sur la perte de la biodiversité. Nonobstant, elles y sont significativement exposés de façon indirecte [3]. Il y a en effet, un risque au « passif » [4] et un risque à « l’actif » [5].


Par Gianni CHAHDI,
Étudiant M2 Juriste d’Affaires Université-Nice-Côte-d’Azur
Membre de l’ANEJA
Vice-président de l’Association de Débat Niçoise
Cycle "Droit des assurances approfondi - L’influence des nouvelles réglementations RSE sur l’assurance"


"L’incertitude ne constitue pas une excuse valable pour justifier l’inaction" [1]

Le risque au passif se traduit par l’impossibilité d’indemniser les conséquences en cas de réalisation du risque. Dans de graves cas, certains risques en deviendront inassurables. À l’actif, l’activité déplacements est affectée par les risques physiques [6] et transition liés [7] à la perte de biodiversité qui concernent les entités figurant dans le portefeuille d’investissements des organismes d’assurance.

Selon l’ACPR, les risques encourus du fait des éléments liés à la perte de la biodiversité sont multifactoriels et auront un impact démesuré : impossibilité d’indemnisation, inassurabilité des risques, faillite des entreprises, accroissement des accidents quotidiens, etc.

Quelles sont alors les différentes échappatoires à cette funeste destinée ?

Du fait des différents outils juridiques mis en place, les obligations « reporting » et autres législations [8] permettent une transparence accrue et un alignement sur les objectifs mondiaux en termes de protection de la biodiversité. Nonobstant une évolution encourageante, l’analyse des différents rapports « 29LEC » [9] montre que la problématique de la biodiversité est celle qui est la moins traitée par les assureurs. L’ACPR recommande alors des publications plus claires, précises et étayées, une évaluation des risques plus pertinente, un respect des objectifs d’alignement et l’analyse des principales pressions et impacts.

En conclusion, malgré des efforts notables du secteur assurantiel et une législation de plus en plus contraignante forçant la transparence, il semblerait que ceux-ci restent encore insuffisants pour pallier les risques liés à la perte de la biodiversité selon l’ACPR.

Références

[1] COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ
CONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS, Gestion des risques climatiques
protection des personnes et de la prosperié, Commission européenne, 12.3.2024.
[2] L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution définit la biodiversité comme : «  la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces, entre les espèces et la diversité des écosystèmes ».
[3] Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, Direction d’étude et d’analyse des risques, « Analyses et synthèses, Les assureurs français face aux risques liés à la perte de biodiversité : Enjeux et enseignements pour les organismes et leur supervision  », N°159 – 2024, p. 2.
[4] Le risque au passif naît de la fourniture d’assurance et de réassurance aux entreprises ayant un lien avec la biodiversité et / ou l’impactant fortement.
[5] Le risque à l’actif naît des placements financiers dans des sociétés dépendants directement des services écosystémiques et / ou ayant un impact important sur la biodiversité.
[6] Les risques physiques liés à la perte de biodiversité constituent le résultat direct des dépendances des organisations vis-à-vis des services écosystémiques, ainsi que des contacts directs entre les hommes et leur environnement naturel (faune, flore)
[7] Les risques de transition surviennent en cas d’incohérence entre la politique stratégique et de gouvernance d’une entreprise d’une part, et l’évolution du contexte réglementaire, économique, technologique et juridique dans lequel cette entreprise opère d’autre part.
[8] L’Obligation de reporting se traduit comme l’obligation de d’émettre un rapport public sur l’impact social et environnemental de la société, expliquer ses engagements et les moyens mis à contribution pour y parvenir : Convention sur diversité biologique, Nations Unies, 1992 ; LOI n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ; Décret n° 2021-663 du 27 mai 2021 pris en application de l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier ; Directive (UE) 2022/2464 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 ; Règlement (UE) 2019/2088 du Parlement Européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.
[9] Rapports annuels obligatoire relatifs à la loi énergie et climat (n° 2019-1147) prenant en compte la stratégie d’alignement avec les objectifs long terme liés à la biodiversité des établissements concernés.

Visuel de Une : illustration ©DR