La responsabilité civile

La responsabilité civile et pénale de l’entrepreneur

Comme chef d’entreprise, vous avez des responsabilités importantes et des pouvoirs pour piloter et développer votre activité. Mais ces fonctions vous exposent également à des risques juridiques, tant sur le plan civil que pénal. Dans quels cas ? Pour quelles conséquences ? Les grandes lignes présentées avec Bercy et Bpifrance.

En préambule, distinguons la responsabilité civile de la responsabilité pénale. La première oblige à réparer un préjudice causé à la société, à un associé ou à un tiers. Elle se traduit le plus souvent par le versement de dommages et intérêts. La seconde vise à sanctionner une infraction à la loi (fiscale, sociale, environnementale), qu’elle soit intentionnelle ou non. Les sanctions peuvent inclure une amende, une interdiction de gérer ou même une peine de prison.?Attention : un même fait peut engager à la fois la responsabilité civile et pénale du dirigeant.

Responsabilité pénale du dirigeant ?

Votre responsabilité pénale peut être engagée si vous commettez personnellement une infraction dans le cadre de votre activité ou si un de vos salariés commet une infraction dans l’exercice de ses fonctions.
Par exemple : abus de biens sociaux, embauche de travailleurs clandestins, fraude fiscale, faux et usage de faux en écriture, détournement de fonds, négligence des règles de sécurité, infractions douanières, environnementales, tromperies sur la qualité du produit vendu, etc. Votre responsabilité pénale peut être engagée par le ministère public et/ou par une victime (tiers, associé, etc.) via une action civile devant un tribunal pénal (tribunal de police, correctionnel ou cour d’assises selon les cas).
La responsabilité civile du dirigeant est engagée si vous commettez une faute qui cause un préjudice à l’entreprise, un associé ou un tiers. La personne qui saisit le tribunal afin d’engager votre responsabilité civile doit prouver la faute, le préjudice et un lien de causalité entre les deux. La responsabilité civile peut être engagée par un associé à titre individuel (action individuelle) ou par un ou plusieurs associés au nom de la société (action sociale dite « ut singuli »). En cas de conflit d’intérêts entre la société et le dirigeant (action sociale menée par les associés à l’encontre du dirigeant toujours en place), la désignation d’un mandataire ad hoc est obligatoire pour que la société soit valablement représentée (Cass., 9 novembre 2022). Un tiers extérieur à l’entreprise peut également engager votre responsabilité.

Quelles fautes engagent la responsabilité civile ?

  Faute détachable des fonctions (responsabilité vis-à-vis des tiers) : elle doit être personnelle, volontaire et incompatible avec vos fonctions de dirigeant. Par exemple, tromper un fournisseur sur la solvabilité de l’entreprise, vendre un véhicule loué par la société sans le restituer, faire circuler un véhicule non assuré en connaissance de cause, ne pas souscrire une assurance décennale dans le BTP, absence de dépôt des comptes, inobservation des formalités de constitution, violation des statuts comme pour un emprunt dépassant un certain seuil sans autorisation préalable des associés.
 Fautes de gestion : sont considérés comme tels tout acte contraire à l’intérêt social de l’entreprise, comme s’attribuer une rémunération excessive malgré des résultats déficitaires, favoriser une autre entreprise avec les biens de la société, ne pas solliciter une augmentation de capital pourtant indispensable à la survie de l’entreprise (Cass., 12 juillet 2016, n° 14-23.310). Attention : le dirigeant peut être condamné à combler le passif social ou subir une extension de procédure collective, notamment en cas de confusion des patrimoines ou de société fictive.
- Infractions fiscales et sociales : vous êtes responsable si les impôts dus par la société n’ont pas pu être payés en raison de manœuvres frauduleuses ou d’omissions graves. Des pénalités et dommages et intérêts peuvent être exigés pour préjudice à la sécurité sociale. En revanche, les cotisations impayées restent à la charge de la société.
- Concurrence déloyale : vous avez un devoir de loyauté et de fidélité envers votre société. Dans le cas contraire, vous pouvez, par exemple, être tenu responsable si vous négociez un marché dans le même domaine d’activité avec une entreprise concurrente. Il est recommandé de prévoir une clause de non-concurrence dans les statuts et d’encadrer sa durée, son périmètre, etc.
Pour la responsabilité civile, les juridictions compétentes sont le tribunal de commerce pour les sociétés commerciales et le tribunal judiciaire pour les sociétés civiles (SCI, SCP, SCM).

Comment se protéger ??

La responsabilité pénale ne peut pas être couverte par une assurance, contrairement à la responsabilité civile pouvant faire l’objet d’un contrat souscrit par la société au profit du dirigeant. Cette assurance est obligatoire dans certains secteurs.?Il va sans dire que les conseils d’un avocat d’affaires sont toujours utiles pour se protéger des difficultés multiples inhérentes à la vie d’une entreprise.

Le dirigeant peut-il s’exonérer de sa responsabilité ??

Le dirigeant ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité lorsqu’il a commis l’infraction personnellement. En revanche, il peut s’en exonérer lorsque l’infraction a été commise par son préposé. Pour ce faire, il doit prouver soit qu’il n’était pas en mesure d’influencer le comportement de l’auteur de l’infraction (par exemple, pour un accident causé par un chauffeur alors que l’entreprise ne lui avait imposé aucun délai impératif de livraison et que le temps réglementaire de conduite n’avait pas été dépassé), soit qu’il avait délégué ses pouvoirs à une personne (par exemple, un salarié) pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour faire respecter la réglementation. Cette délégation de pouvoirs ne doit pas être ambiguë.?
À noter : un arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2012 (n° 11-85.280) précise que la délégation de pouvoirs accordée à une personne frappée d’une interdiction de gérer n’exonère pas le dirigeant de sa responsabilité pénale.

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