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RAPPORT NOGAL : 37 propositions vers une nouvelle loi Logement ?

Le 10 décembre 2018 le Premier Ministre donnait comme mission au jeune député LREM de Haute-Garonne Mickaël NOGAL de rendre un rapport visant à mieux mobiliser l’offre locative du parc privé tout en renforçant la confiance des bailleurs, notamment en minimisant leurs risques concernant leurs revenus et leurs biens.

Ce rapport a été remis à Edouard PHILIPPE ce 18 juin 2019. Il se solde par 37 propositions pour « Louer en Confiance ».

Par Me Cyril SABATIE, Avocat spécialiste en droit immobilier, Ancien Directeur juridique de la FNAIM

Ce rapport, qui ne se contente pas de faire des propositions en matière de relations locatives, semble même aller parfois au-delà de la feuille de route initiale. Ce travail de consultation laisse entrevoir d’ailleurs une proposition de loi à la rentrée de septembre 2019.
Quels sont les constats dressés et les propositions formulées par ce rapport, après six mois d’audition des acteurs et protagonistes du monde du Logement et de l’Immobilier ?

Ce rapport part du constat que le parc locatif privé ne peut contribuer au logement de près d’un ménage sur quatre en France que sous la condition d’un équilibre entre les attentes légitimes des bailleurs de voir protéger leurs intérêts patrimoniaux et le besoin tout aussi légitime des locataires d’être raisonnablement sécurisés dans leur domicile.

En liminaire, ce rapport affirme également que « les tensions sur le marché qui mettent les bailleurs en position de force renforcent le besoin de protection du locataire ». Cette analyse pourrait cependant être nuancée, car s’il est vrai que l’accès au logement est difficile pour les locataires sur certains marchés tendus, ce n’est pas une généralité. En outre le rapport bailleur/locataire une fois le bail conclu met selon nous plutôt le locataire en position de force que son bailleur…

Quoi qu’il en soit, ce rapport se décompose en trois parties distinctes, vouées à un même objectif : « Louer en Confiance ».

- Une première partie intitulée Installer plus de confiance entre Bailleurs et locataires part notamment de la défiance qui règne aujourd’hui dans les rapports locatifs du logement privé, liée notamment aux risques d’impayés et aux procédures d’expulsion à rallonge, et ce quand bien même le locataire serait de mauvaise foi.
Le rapport propose ainsi de créer un Observatoire des délais de traitement des procédures d’expulsion en matière d’habitation afin de mesurer ces délais et surtout d’identifier les facteurs qui rallongent ces procédures. Dans le même temps, en s’inspirant de certains dispositifs anglo-saxons, le rapport propose de rendre obligatoire le versement du dépôt de garantie locatif (souvent improprement appelé caution) à un organisme agréé (public ?) qui le conserverait jusqu’à la fin de la location (en lieu et place du bailleur ou de l’administrateur de biens). Cet organisme serait ensuite chargé de restituer cette garantie en fin de bail en accord avec les parties ou sur décision de justice.
Au-delà de l’argument avancé du règlement des conflits locatifs, on saisit bien ici l’enjeu financier pour l’Etat, ou un de ses bras budgétaires (la CDC par exemple), de détenir une telle manne financière. Autre mesure plus en adéquation avec l’objectif de ce rapport, l’idée de confier à une personnalité indépendante le soin d’élaborer une grille de vétusté afin de rendre moins discutables les retenues sur le dépôt de garantie en fin de bail (retenues consécutives à des dégradations locatives). Rappelons qu’à ce jour la loi du 6 juillet 1989 et le décret n°2016-382 du 30 mars 2016 ne permettent d’utiliser que celles ayant fait l’objet d’un accord collectif de location conclu conformément à l’article 41ter de la loi du 23 décembre 1986.
Plusieurs propositions convergentes visent en outre à apporter plus d’informations à l’occasion de l’acte de location, tant à la caution personne physique qu’aux locataires et bailleurs, en rédigeant notamment un guide pour les bailleurs et en élargissant l’objet de la notice d’information jointe au bail (née des dispositions de la loi Alur du 24 mars 2014).

- Dans une deuxième partie intitulée Enrichir la gestion déléguée pour protéger le patrimoine des bailleurs, le rapport semble aller parfois au-delà de la lettre de mission rédigée par le premier Ministre. En effet, cette partie constitue un véritable plaidoyer pour une refonte de certains aspects de la loi dite HOGUET du 2 janvier 1970 et de son décret du 20 juillet 1972, dispositions, réglementant les professions d’intermédiaires et gestionnaires immobiliers. Ainsi, le rapport propose de rendre obligatoire dans le mandat de gestion l’obligation pour l’administrateur de biens de garantir le paiement des loyers et charges au bailleur. C’est la résurgence d’une pratique que l’on croyait disparue, à savoir la convention de Ducroire (convention par laquelle une personne appelée ducroire se porte garant vis-à-vis de son contractant de la bonne fin d’une opération). Véritable garantie de bonne fin du mandat par laquelle le professionnel de l’immobilier couvre son mandant bailleur contre les impayés tout en se réassurant lui-même. Naturellement ce service a un coût pour le bailleur !
Le rapport propose également de rendre obligatoire pour les administrateurs de biens la mise en place d’un « Extranet locatif » notamment pour communiquer avec le bailleur et le locataire, à l’instar de ce qui existe pour les syndics de copropriété depuis la loi Alur.
Enfin, dans cette même partie du rapport on trouve également des propositions visant à modifier ou préciser les conditions d’aptitude, de formation continue, de contrôle ou encore d’accès aux professions de l’immobilier. On ne voit pas bien ce que ces dernières propositions viennent faire à proprement parler dans cette partie et plus largement en quoi ces évolutions permettraient de « Louer en Confiance ».
Certes la lettre de mission adressée au député NOGAL sollicitait une étude sur l’évolution du modèle des agences immobilières.
En effet, l’effectivité des garanties de compétence professionnelle et de respect de la déontologie professionnelle dans le cadre de la loi Hoguet doivent être renforcées. De même, une démarche de certification qui permettrait aux administrateurs de biens de valoriser auprès du public l’assurance de prestations de qualité pourrait être une bonne chose pour permettre aux professionnels de prendre une part de marché plus importante (le rapport indique que 65% des propriétaires-bailleurs assurent eux-mêmes la gestion de leur bien).
Il nous semble toutefois que certaines propositions, comme celle permettant par exemple aux agents commerciaux indépendants de se prévaloir de leur expérience professionnelle pour accéder à l’obtention de la carte professionnelles, soient bien loin de l’objectif recherché…

- Enfin une troisième et dernière partie porte sur Le logement locatif privé au soutien de la politique publique du Logement. Cette partie comporte à elle seule 16 propositions essentiellement incitatives et notamment d’ordre fiscale pour faire en sorte que le parc privé suive la politique française du Logement, singulièrement en matière de rénovation énergétique et de réhabilitation du parc locatif dégradé.
Sans prolégomènes, citons la proposition d’abandonner le régime d’incitation fiscale par voie d’amortissement, pour lui préférer un régime par crédits d’impôts en faveur de l’investissement locatif dans le neuf et dans l’ancien avec réhabilitation lourde (déjà initié en partie par le dispositif DENORMANDIE depuis le 1er janvier 2019).

Gageons que certaines de ces propositions verront prochainement le jour dans une nouvelle proposition de loi Logement.

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