A57, dans l’ombre du bitume, des parcours de terrain à taille humaine
- Par Gilles Carvoyeur --
- le 5 novembre 2025
Sur le vaste chantier de l’élargissement de l’A57 à Toulon, des figures discrètes ont joué un rôle clé dans l’ombre des engins.
Parmi elles, Pierre Zerbi, conducteur d’opération, qui a coordonné pendant quatre ans et demi une succession de phases techniques complexes. Mais au-delà de son expertise, c’est une aventure profondément humaine qu’il raconte.
Il répond aux questions des Petites Affiches du Var.
Vous êtes intervenu dès les débuts du chantier. Quel a été votre rôle ?
– Je suis arrivé à l’été 2020, avant même le début des travaux principaux. J’ai pris en charge les travaux préparatoires : démolitions de bâtiments, dévoiements de réseaux d’eau, d’électricité, de gaz… tout ce qui permettait de libérer et sécuriser l’emprise pour que NGE puisse ensuite intervenir. Puis je suis passé à d’autres tâches, notamment les voies parallèles à l’autoroute et, à partir de 2023, j’ai planifié les travaux de nuit et les balisages jusqu’à la livraison.
Ce type de coordination suppose une vraie mécanique d’équipe…
– Absolument. On avait des points hebdomadaires tous les mardis, et des échanges quotidiens avec NGE pour ajuster le planning. Les nuits, on fermait des axes, on mobilisait les balisages, on informait la préfecture, les secours, la presse. La réussite, c’était cette organisation au cordeau… mais surtout, cette cohésion humaine.
Justement, comment avez-vous vécu l’aspect humain de cette mission ?
– Je n’ai jamais ressenti de charge pesante. Et en 25 ans d’autoroutes, c’est rare. Il y avait une entraide, une solidarité sincère. On décompressait ensemble, on organisait des petits-déjeuners entre collègues, chacun apportait des spécialités régionales. J’ai même repris le sport à Toulon. On courait entre midi et deux, parfois même au lever du jour.
Cette ambiance a-t-elle eu un impact sur votre bien-être ?
– Oui. J’ai une nature plutôt stressée, je voulais toujours m’assurer que tout se déroulait correctement. Mais le climat de confiance instauré par notre directeur, Michel Castet, m’a permis d’avancer sereinement. Il portait la pression globale, ce qui nous laissait de l’autonomie et de la concentration sur le terrain.
Comment votre entourage a-t-il vécu ces années ?
– Mes filles suivaient le chantier. Elles me montraient les avancées depuis la voiture, elles étaient fières. Et elles ont connu mes collègues, lors de joggings ou de sorties organisées. Ce chantier est devenu un sujet commun à la maison. On évoquait les collègues comme des proches.
Un souvenir marquant de cette aventure ?
– La simplicité du quotidien, justement. Des anecdotes sur une trancheuse à saucisson partagée dans la salle de pause, ou un surnom qui revient… Ce sont ces choses-là qui restent. Le chantier, c’était plus qu’un travail. C’était une vraie tranche de vie.
Quel enseignement personnel en tirez-vous ?
– Que rien ne marche sans confiance et sans esprit d’équipe. Il n’y avait pas d’ego, chacun faisait son rôle, sans chercher à se mettre en avant. On se soutenait. C’est ce qui nous a permis de traverser les tensions, les imprévus, et d’atteindre la ligne d’arrivée ensemble.
Un mot de la fin ?
– Je me suis amusé. J’ai appris. Et surtout, j’ai vécu quelque chose de fort. À chaque fois que je prendrai cette autoroute, je penserai à ces années avec le sourire.
Propos recueillis par Pierre BEGLIOMINI