Assurance des communes : L’alerte Breil-sur-Roya
- Par Sébastien Guiné --
- le 8 novembre 2024
Dans un communiqué, le maire de maire Breil-sur-Roya Sébastien Olharan se dit « scandalisé », estimant que sa commune est aujourd’hui « un client beaucoup moins à risque » pour les assureurs.
Depuis quatre ans, Sébastien Olharan s’efforce de reconstruire son village martyrisé par la tempête Alex, les 2 et 3 octobre 2020. Avec l’objectif de reconstruire durablement. Aujourd’hui son incompréhension est totale face à la situation dans laquelle se trouve Breil-sur-Roya. C’est pour cela qu’il a choisi de diffuser un communiqué, le lundi 4 novembre, afin d’alerter sur un phénomène redouté par beaucoup de maires : « 4 ans après la tempête Alex, la mairie de Breil-sur-Roya se retrouve sans assurance ». Il y explique que sa commune était assurée depuis plus de 20 ans auprès de SMACL Assurances mais que cette société a indiqué, dans un courrier de juin, mettre fin à ses contrats au 31 décembre 2024. « Dans ces conditions et conformément au code de la commande publique, la mairie a lancé récemment un marché public pour obtenir de nouveaux contrats d’assurance. La SMACL n’a pas souhaité faire une offre. Aucun autre assureur n’a répondu à la consultation. Et aucun de ceux que nous avons contactés depuis n’a accepté de nous assurer », expose le maire dans son communiqué, assurant que « Breil-sur-Roya est donc littéralement virée par son assurance historique et risque fort de ne plus être couverte au 1er janvier 2025 ».
« Autrefois sinistrée, aujourd’hui résiliente »
Sébastien Olharan est « scandalisé de ce manque de considération à l’égard d’une commune ayant beaucoup souffert de la tempête Alex et déjà fortement sollicitée par le travail de reconstruction. La commune de Breil-sur-Roya est, par ailleurs, un client beaucoup moins "à risque" qu’auparavant », expose-t-il. « En effet, une partie des équipements détruits n’ont pas été reconstruits en zone inondable et la mairie s’est équipée pour protéger la plupart des bâtiments municipaux restants contre les inondations ». Le maire reproche aux assureurs de ne pas jouer le jeu et rappelle qu’Emmanuel Macron, venu dans les vallées après la tempête Alex, leur avait justement demander de le faire. « Même si France Assureurs a été un partenaire à l’écoute, j’ai souvent eu l’occasion depuis de regretter le manque de soutien de la part de certaines assurances à l’égard des sinistrés », assure Sébastien Olharan. « Au bout de 4 ans, la mairie de Breil-sur-Roya a été correctement indemnisée pour les inondations et coulées de boue de la tempête Alex. Mais on refuse toujours de l’indemniser pour les mouvements de terrains provoqués par la tempête Alex qui ont endommagé de nombreux bâtiments communaux », poursuit-il, confiant que « la commune n’hésitera pas à entreprendre une action en justice pour obtenir gain de cause ». L’élu conclut son communiqué en espérant « qu’il existe des assurances qui auront à cœur d’accompagner une commune autrefois sinistrée et aujourd’hui résiliente » ajoutant être « à l’écoute de leurs propositions ».
Assurance des collectivités : Quelques obligations seulement
Dans un rapport d’information du Sénat déposé en mars dernier, il était rappelé « qu’en l’état actuel du droit, seuls certains risques doivent obligatoirement être assurés par les collectivités ». Sont obligatoires les assurances en matière de responsabilité civile, de protection des élus, de protection des agents publics et pour les dommages-ouvrages. En dehors de ces cas, l’assurance des collectivités territoriales n’est pas obligatoire et elles peuvent opter pour la souscription de contrats d’assurance ou pour l’auto-assurance (prise en charge sur le budget local de la réparation des dommages sur des biens après la survenue d’un risque). Mais selon une consultation menée par le Sénat (réalisée en ligne, du 31 janvier au 28 février 2024 auprès de 713 participants), la majorité des collectivités a recours à des contrats d’assurance plutôt qu’à l’auto-assurance : 91 % contre 9 %.
Une préoccupation relayée par deux sénateurs des Alpes-Maritimes
La sénatrice Alexandra Borchio Fontimp a tout de suite réagi après l’alerte lancée par Sébastien Olharan sur les réseaux sociaux : « Double peine pour la Ville de Breil. Frappée par la tempête Alex, cette commune des Alpes-Maritimes doit faire face au désengagement de son assureur ! », a-t-elle souligné sur X avant de préciser qu’elle avait alerté le président de l’association des maires de France (AMF) David Lisnard, maire de Cannes, et le président du Sénat, Gérard Larcher, « pour souligner l’urgence d’offrir une solution aux collectivités ».
Le sénateur Philippe Tabarot a également apporté son soutien à Breil-sur-Roya, commentant sur X : « Résiliation unilatérale inacceptable, les collectivités territoriales » comme celle de Sébastien Olharan « sont confrontées à des difficultés assurantielles ». Il a ajouté avoir « saisi le gouvernement dès décembre 2023 sur ce risque d’impasse. L’État doit mettre les compagnies devant leurs responsabilités ». Philippe Tabarot avait signalé à la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, « les difficultés liées à la souscription ou au renouvellement des couvertures d’assurance pour les collectivités ». Le sénateur désignait deux problématiques majeures : les catastrophes naturelles et les émeutes urbaines. « Face à la recrudescence des catastrophes naturelles et aux atteintes aux biens et aux personnes, à l’image des émeutes urbaines de juin 2023, les compagnies d’assurances deviennent réticentes à s’engager aux côtés des collectivités, dont les équipements sont de plus en plus menacés. Les maires sont parfois contraints de résilier leurs contrats existants - dont les clauses établies par les assureurs sont particulièrement exigeantes- sous la menace d’une hausse considérable des primes d’assurance ou d’une souscription à d’onéreux avenants. Ces frais impactent significativement le budget dédié à la gestion de leurs collectivités et à leurs investissement », avait-il souligné.
Une menace évoquée il y a un an par le président de l’ADM 06
Le risque pour une commune de ne plus être assurée avait été évoqué à l’automne 2023 par le président de l’association des maires du département, Jérôme Viaud, maire de Grasse. Et il était revenu sur ce point juste avant le dernier salon des communes et des intercommunalités des Alpes-Maritimes du 10 octobre à Cannes. « La situation des assurances pour les communes reste préoccupante, notamment dans les Alpes-Maritimes, une région exposée aux risques naturels. L’année dernière, j’avais alerté sur le fait que certaines communes avaient du mal à trouver des assurances abordables, voire à se faire assurer du tout. En 2024, cette problématique persiste, mais des solutions sont à l’étude au niveau national, notamment des mécanismes de mutualisation pour répartir le risque entre les collectivités. Bien que les coûts restent élevés, des discussions avancées avec les assureurs et l’État pourraient aboutir à des propositions concrètes pour mieux protéger les communes ». Constatant « les difficultés grandissantes dans la gestion de leurs biens » des collectivités territoriales, « en première ligne face aux aléas climatiques et aux risques sociaux », les ministres Bruno Le Maire, Christophe Béchu et Dominique Faure avait annoncé le lancement de la mission sur l’assurabilité des collectivités territoriales, en octobre 2023. « Nos maires sont en première ligne face aux risques climatiques et sociaux. Notre responsabilité est d’accompagner nos collectivités avec des solutions pérennes pour leur permettre d’assurer leurs missions face aux aléas. C’est l’objectif de cette mission qui devra mettre l’ensemble des sujets sur la table, en lien avec les maires et les assureurs », avait alors déclaré Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.