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Benoît Lethuin : « Le chantier de l’A57, c’est une aventure humaine » !

Conducteur d’opération de l’A57 (Vinci Autoroutes) Benoît Lethuin revient sur les coulisses de cette réalisation, entre fierté, solidarité et résilience. Il répond aux questions des Petites Affiches du Var.

Ce chantier était un défi technique complexe. Quel a été votre rôle principal ?

Benoît LETHUIN : Mon expérience dans l’exploitation m’a conduit à piloter la gestion du trafic pendant les travaux, avec comme objectif ambitieux de ne pas aggraver la congestion existante. On a installé des radars, analysé des millions de données et pris des décisions éclairées : décaler des phases, élargir les voies de 20 cm pour gagner en débit, adapter la signalisation… C’était de la microchirurgie de circulation. Et chaque gain a compté.


Vous parlez d’adaptation permanente. Est-ce cela qui a défini ce chantier ?

Benoît LETHUIN : Oui, sans hésiter. On dit parfois qu’on fait un planning. Là, on a fait un « Tetris ». Chaque jour amenait son lot d’ajustements, à cause du contexte urbain, des flux de circulation, des contraintes locales. L’exemple le plus parlant ? Une opération de reconstitution de chaussée sur un week-end complet qu’on a dû rephaser pour libérer la voie le samedi, à la demande de la préfecture. Ce chantier a demandé une agilité quasi permanente.

Quels enseignements en tirez-vous pour l’avenir ?

Benoît LETHUIN : J’en retiens que les grands chantiers du futur se feront en milieu urbain dense. Donc tout ce qu’on a appris ici – outils de suivi, réactivité, lien avec les riverains, travail en réseau avec les collectivités – sera capital à reproduire. Il ne s’agit plus seulement de construire, mais de cohabiter intelligemment avec une ville vivante.

Vous avez passé plus de quatre ans sur ce chantier. Comment l’avez-vous vécu humainement ?

Benoît LETHUIN : Je dirais que c’était un marathon… mais en équipe. Et heureusement. On était une direction d’opération très soudée, chacun avec sa spécialité – exploitation, réseaux enterrés, ouvrages d’art – et une complémentarité naturelle qui nous a permis de tenir bon. Il n’y avait pas de silos, pas de cloisonnement : on se parlait beaucoup, on se soutenait dans les moments de tension, et c’est ce qui nous a permis d’aller au bout. C’est ce lien collectif qui a été le moteur.

Y a-t-il eu des moments de vulnérabilité ou de pression que vous gardez en mémoire ?

Benoît LETHUIN : Absolument. L’un des plus forts, c’était l’impératif quotidien de rouvrir l’autoroute à six heures du matin. À Toulon, si l’on ouvrait ne serait-ce qu’à 6 h 15, c’était la paralysie assurée. C’est une pression continue. Une fois seulement, un séchage de béton trop long nous a mis en difficulté. Mais à chaque fois, toute l’équipe s’est mobilisée dans une cohésion totale. C’est là qu’on sent que les titres s’effacent et que seule compte la réussite collective.

Et sur le plan personnel, quel impact ce chantier a-t-il eu sur votre vie familiale ?

Benoît LETHUIN : Je travaille dans le même groupe que mon épouse. Elle s’occupe de la communication. On a posé nos limites. Nous n’avions aucune difficulté, jamais nous ne mélangions pro et perso. Quand vous êtes passionné par un projet qui a du sens pour les habitants, vous le vivez intensément et les années passent vite. Je suis fier de ce qu’on a accompli.

Justement, quels retours avez-vous eus de la part de votre entourage ou du grand public ?

Benoît LETHUIN : C’est ce qui me touche le plus. Des proches, des amis, des commerçants, même ma coiffeuse m’en parlait ! Tout le monde avait une question, une remarque, une curiosité. Ce chantier a marqué le territoire. On a organisé des comités de quartier, on a échangé, écouté, rassuré. À l’inauguration, beaucoup de riverains sont venus nous dire qu’on allait leur manquer. Ce genre de retour, ça vous reste.

Un dernier mot sur ce que vous emportez avec vous ?

Benoît LETHUIN : De la fierté, des souvenirs forts et des amitiés durables, nées dans la pression mais forgées dans le respect mutuel. Je pense qu’on a laissé une petite empreinte, humaine autant que technique. J’aime à croire qu’on s’est un peu intégrés au paysage de Toulon.

Propos recueillis par Pierre BEGLIOMINI

Photo de Une : ©Philippe OLIVIER