Claire Tingaud, itinérair

Claire Tingaud, itinéraire d’une artiste à la fibre humaine et singulière

Après des traversées multiples, Claire Tingaud, artiste plasticienne, mêle aujourd’hui le textile, le son et l’installation.

Après le Baccalauréat, elle a intégré une mise à niveau d’art appliqué, puis une autre année de préparation aux métiers du spectacle. À l’issue, elle suit une formation préparant au Diplôme National des Métiers d’Arts, Art Textile - spécialité tissage, qu’elle obtient avec les félicitations du jury. Enfin, en 2017, elle décroche une Licence Professionnelle Art-Artisanat-Design. Elle a toujours eu cette appétence pour le textile.
Rencontre avec Claire Tingaud.

Quel est votre parcours ?

- Claire Tingaud : J’ai eu la chance de faire des activités manuelles très tôt et de croiser énormément de personnes car être au sein de l’école n’était pas facile pour moi. Il fallait que je sois active. J’avais cette urgence de sortir de l’école. Après avoir épluché le livre « Des métiers mon métier », en partenariat avec l’ONISEP, le métier de costumière scénographe a été une première piste. J’ai découvert à ce moment-là l’existence des arts appliqués. J’ai pris des renseignements sur les différents diplômes qui existaient et le parcours à emprunter pour aller vers ce genre de pratique.

Le mouvement fait partie de vous ?

- Claire Tingaud : Depuis que je suis née, j’ai toujours été en itinérance. Mes parents exerçaient un métier qui nécessitait de déménager très souvent. Le mouvement et la découverte de nouveaux lieux font partie de moi. C’est ce qui fait la personne que je suis aujourd’hui. Dans mon travail, en arrière-plan, cette nécessité et cette envie de découvrir de nouveaux lieux et de nouvelles personnes assez régulièrement sont très présentes. Cela me nourrit énormément, c’est pour cette raison que je fais beaucoup de résidences, que le travail que je mène artistiquement se trouve sur des territoires différents. Mon travail est lié aux paysages et aux rencontres que je fais sur les terrains.

Le lien au sensible et à l’invisible et les sens en éveil ?

- Claire Tingaud : J’essaie à travers mon travail artistique de rendre compte d’une atmosphère. Dans un lieu, j’ai cette impression d’être imprégnée par tous les sens, la vue, l’ouïe, l’odorat, les matériaux autour de moi. C’est comme une exacerbation des sens, tout est densifié au niveau des perceptions de tout ce qui m’entoure. Je peux extraire ces sensations pour les retranscrire à travers des productions artistiques. J’ai un lien au toucher des matières qui est très fort, j’utilise la technique textile pour assembler les matières. Au niveau de la scénographie, les pièces que je produis sont suspendues, c’est un format qui revient régulièrement car il y a un rapport très fort à l’espace et à l’atmosphère, au sensoriel.

Avec des pièces tissées dans les Salins ?

- Claire Tingaud :Pendant quatre semaines, j’ai été au cœur des Salins. Tous les matériaux travaillés étaient glanés sur place, en accord avec le personnel. Des pièces tissées ont pu rendre compte de toute cette atmosphère par laquelle j’ai été marquée au niveau visuel et sensoriel. L’aspect « travail humain » était présent à travers les bâtiments, les outils, nombreux en métal rouillés, oxydés enterrés dans le sable et aussi stockés dans les ateliers des ouvriers, des sauniers qui travaillent sur place. L’aspect « végétal » était présent avec toutes les plantes sur le site comme la canne de Provence qui pousse sur le terrain de façon sauvage. J’ai réalisé des tissages avec de la bâche géotextile qui est utilisée pour préserver des zones de dunes. Je l’ai détissée et j’ai récupéré la fibre noire. Cette matière m’a fait penser à la vase présente dans les marais. J’ai travaillé avec une photo en noir et blanc argentique, que j’ai prise, de la surface des Salins : on aperçoit le mouvement du sel à la surface. La photo étant retissée avec d’autres matériaux, on ne voit plus que de la matière. Cette photo se mélange avec de la corde en coton écru et du pare vapeur.

Et, des textes écrits avec la matière présente dans les Salins ?

- Claire Tingaud : J’ai écrit un texte dans les Salins que j’ai retranscrit sur des bandes de tissus provenant des ateliers des ouvriers des Salins. Je les ai trempées avec les outils rouillés afin de patiner le tissu, ce qui permet de fixer les pigments. La rouille est un fixateur naturel de pigmentation. Le texte a été rédigé avec la vase des Salins, avec les sédiments du sol des Salins, une pâte noire très glaiseuse. J’ai tout créé sur place, en immersion.

Propos recueillis par Laurette PARAY

Photo de Une ©Philippe OLIVIER