Edito - Déclarations en chêne massif
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 19 décembre 2025
À force de media trainings et de stages de formation, les politiques ont appris à maîtriser à la perfection la langue de bois. Ils savent nous dire avec élégance (parfois), circonvolutions (souvent) et roublardise (toujours) ce que nous ne sommes pas toujours prêts à entendre. Voici donc le décryptage de ce qui est dit et… de ce qu’il faut entendre. Bien sûr, toutes les phrases de ces exemples cités ici sont rigoureusement exactes.
Dites, comme Sébastien Lecornu (10/12) : « Le gouvernement vous demande de débattre et de voter pour approuver ou non le principe, je dis bien le principe, d’une augmentation du budget de la défense pour soutenir une montée en puissance plus rapide de nos forces armées dès 2026 ». Ne dites pas : « Les gars, faut pas s’endormir, le petit père Vladimir est plutôt vénère en ce moment et ça craint un max ».
Ne dites pas, comme Brigitte Macron, que les militantes féministes qui viennent perturber le spectacle d’un humoriste accusé de viol, et qui a bénéficié d’un non-lieu, sont des « sales connes ». Cette confidence, qui n’avait pas vocation à être diffusée, serait mieux passée si la première dame avait déclaré – façon chêne massif – que « les manifestations de protestation peuvent être excessives » ou que « les causes les plus défendables sont desservies par des attitudes agressives ». Le tout évidemment sans que l’hygiène des manifestantes ne soit remise en question.
Au sujet de la liquidation de Brandt (700 salariés), dites comme le ministre délégué à l’Industrie Sébastien Martin qu’il « ne laisse pas tomber » le fabricant d’électroménager tricolore et qu’il est même possible « d’imaginer un nouveau projet industriel ». Évitez absolument de déclarer sur cette déconfiture : « Si en plus il faut s’occuper des réfrigérateurs, on va ressortir lessivés ».
Dites sans rire, comme Jordan Bardella, au sujet de Marine Le Pen, que « je (lui) serai toujours loyal ». Évitez de déclarer « qu’elle s’ôte de là que je m’y mette » au sujet du candidat qui portera l’étendard du RN aux présidentielles.
Dites comme Nicolas Sarkozy, toujours au sujet de Bardella, que « son discours n’est pas très différent du nôtre à l’époque », ne précisez pas ce qu’il pense si fort : « même pas besoin de dire ça pour rajouter encore de la pagaille à droite ».
On finit avec l’inévitable Donald Trump bien sûr, auteur de phrases toujours spectaculaires.
Ce qu’il a dit en parlant de la Somalie : « un pays de merde ». De son prédécesseur à la Maison-Blanche : « un connard endormi ». De l’inflation aux USA, due à ses taxes douanières, qui grignotent le pouvoir d’achat des Américains : « les prix baissent énormément ». Ce qu’il a dit et qui ne lui ressemble pas, comme quoi il ne faut jamais désespérer : « Les démocrates qui parlent de “coût de la vie”, c’est comme si Bonnie et Clyde parlaient d’ordre public ».
En revanche, vous pouvez reprendre à votre compte sans risque de faire rigoler à vos dépens ou d’être démenti l’une des petites phrases du sénateur Claude Malhuret, distingué du prix de l’humour en politique : « le budget s’annonce encore plus difficile à monter qu’un meuble IKEA ». Il est vrai que l’on nous promet… un tour de vis.