
Edito - Des « scies » et des bémols
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 12 septembre 2025
Le journalisme connaît ses marronniers : des infos ou événements revenant régulièrement dans l’actualité, comme le salaire des cadres ou le classement des meilleurs hôpitaux. La chanson connaît ses « scies » : des ritournelles (souvent bébêtes) dont la mélodie se grave dès la première écoute dans la mémoire. Nous allons essayer ici de couper quelques marronniers avec des… si.
Si François Bayrou est obligé de rendre les clés de Matignon faute d’avoir réussi à faire signer un nouveau contrat de « confiance » aux députés, ce ne sera pas faute d’avoir essayé de convaincre que la moins pire des solutions était de continuer ainsi, cahin-caha, jusqu’aux prochaines présidentielles et législatives, en espérant qu’en sorte une majorité claire (et efficace), ce qui est encore loin d’être garanti. On a vu le désormais ex-Premier ministre se démultiplier sur les chaînes, jusqu’à une totale saturation médiatique. Mais plus que les Français, sidérés par le spectacle actuel de la politique hexagonale, c’était un public inconciliable que le Premier ministre devait concilier : les élus du palais Bourbon et leurs petits calculs politiciens. Malgré concessions et promesses d’amendements, ils l’ont jeté sans ménagement par-dessus le bastingage : à qui faire… confiance ?
Si les chroniqueurs de France Inter Patrick Cohen et Thomas Legrand n’avaient pas été filmés à l’insu de leur plein gré lors d’une réunion « hors caméra et micros » avec des élus du PS, Rachida Dati aurait perdu une belle occasion de dire une ânerie sur X. Bien sûr, elle peut ne pas apprécier que ces journalistes, pas convaincus qu’elle ferait un bon maire pour Paris, le laissent entendre au micro. Mais tout aussi bien sûr, les deux piégés ont aussi le droit de partager leur opinion avec des personnes lors d’une réunion privée (en principe) et dans leurs éditoriaux, même sur le service public. Il n’y a que dans les pays totalitaires, où les têtes sont aussi gonflées que les chevilles, que l’on réclame des sanctions contre les persifleurs.
Si la France était vraiment une amie de l’Ukraine, elle n’aurait pas troué à deux reprises les filets des buts du gardien adverse et aurait gardé toute sa « gnac » pour ses prochains adversaires. Les Ukrainiens ont beau être habitués depuis trois ans et demi à des « tirs canon » sur un autre terrain, un petit match nul leur aurait fait du bien au moral. Vous allez voir que Poutine va parler d’une « terreur psychologique » infligée par Mbappé et ses copains, et que Trump va trouver que décidément l’on n’en fait pas assez pour notre allié.
S’il y avait vraiment « un professeur devant chaque classe », comme on nous le promet depuis Jules Ferry, les syndicats auraient encore d’autres motifs de grève pour tenter d’améliorer ce mammouth qui, tel Cronos, dévore ses propres enfants. Les démissions augmentent d’année en année, les inscrits au Capes sont en chute libre (-41 % entre 2017 et 2023). La « dégradation des conditions de travail » (euphémisme pour désigner une bordélisation des classes, à l’image de celle de l’Assemblée), et des salaires loin de récompenser les années d’études et l’investissement personnel nécessaire pour intéresser les élèves expliquent en grande partie ce désamour. N’oublions pas Hugo, qui disait que lorsqu’on ouvre une école on ferme une prison… Alors qu’un enfant sur quatre entrant en 6e ne maîtrise pas parfaitement la lecture – ne parlons pas de l’orthographe –, celui ou celle qui succèdera à Élisabeth Borne est d’ores et déjà invité à relire ses classiques.
Si vous aviez le dos large, étiez capable de faire le dos rond sans avoir peur de vous mettre tout le monde à dos, si vous adoriez les ennuis et les coups tordus, alors vous auriez pu prétendre à la place désormais occupée par Sébastien Lecornu.