Edito. Le combat des contraires
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 28 novembre 2025
Dès avant l’adoption en première lecture du budget de la sécurité sociale, la majorité du Sénat avait annoncé vouloir atomiser façon puzzle quelques dispositions relevant, selon Gérard Larcher, de « l’hystérie fiscale ». Pour éviter une censure prématurée et donner une chance au PLFSS 2026, le gouvernement a accepté de suspendre la réforme des retraites, poil à gratter des quinquennats Macron, aussi urticant pour la droite qui exige son maintien que pour la gauche qui veut obtenir son abrogation pure et simple... quoi qu’il en coûte.
Dans ce combat des contraires, la majorité sénatoriale s’est déjà employée à suspendre la suspension de la réforme. Une priorité pour les Sages, qui ne serait pas indolore pour les seniors puisqu’ils perdraient à la fois les 10 % d’abattement fiscal sur leurs revenus au titre des mal nommés « frais professionnels », et la revalo de leurs pensions.
Qu’ils contribuent à l’effort nécessaire pour limiter la dérive de nos comptes publics n’est pas anormal, bien sûr, et les « boomers » d’aujourd’hui sont certainement plus « privilégiés » que les retraités de demain si l’on se réfère à la pyramide des âges, à la situation de l’emploi et au nombre de cotisants pour payer les pensions.
Mais si le débat mérite d’être mené « sans tabous », les sénateurs devraient d’abord se pencher sur leur propre situation car, sans tomber dans un populisme primaire, on peut rappeler qu’ils bénéficient d’un régime de retraite à la fois spécifique et avantageux, distinct du régime général, autofinancé par 15 % de leur indemnité parlementaire et complété par des actifs financiers pour assurer son équilibre à long terme. En clair, ils disposent de conditions bien plus favorables que le commun des mortels à qui ils veulent serrer la ceinture de plusieurs crans.
Les Sages du Luxembourg plaideront avoir déjà baissé volontairement leurs pensions de 20 % depuis 2023. Charité bien ordonnée…
Pas besoin d’être grand clerc pour constater les blocages qui risquent de priver la France de budget au soir du 31 décembre. Sébastien Lecornu a donc imaginé un scénario pour cacher sous le tapis ce qui fâche et « sauver les meubles ». Il veut faire voter les dispositions essentielles pour que le char de l’État puisse continuer à avancer, cahin-caha, en 2026. Le Premier ministre a défini les « priorités absolues », comme la Défense pour prendre en compte les tensions avec la Russie, la sécurité qui est encore et toujours un enjeu électoral en même temps qu’une préoccupation pour les citoyens, l’agriculture en ébullition avec les tracasseries paperassières et le réchauffement climatique, l’énergie qu’il faut décarboner (c’est mal parti à en juger par le bilan de la COP). Tout cela, alors qu’il faut réduire les dépenses sans trop alourdir les impôts. Celui que l’on présente comme un moine-soldat va donc rencontrer « l’ensemble des forces politiques présentes à l’Assemblée et au Sénat », du moins celles qui accepteront de discuter avec Matignon.
Adepte de la méthode Coué, Lecornu estime qu’il y a « toujours une majorité pour voter le budget ». À première vue, ce n’est guère évident, nous sommes comme sœur Anne : on ne voit toujours rien venir.