Edito hebdo - Le cow-boy

Edito hebdo - Le cow-boy et les Indiens

Narendra Modi, son nom ne fait pas la une des journaux. On devrait pourtant se pencher un peu plus sur ce personnage à la tête d’un pays de plus d’un milliard et demi d’habitants, dont l’économie est florissante avec +8 % de croissance, et à qui Donald Trump a brutalement claqué la porte au nez en imposant du jour au lendemain 25 % de droits de douane. Car la visite de Vladimir Poutine au Premier ministre indien ne doit rien au hasard. Les deux hommes ont des relations personnelles chaleureuses, ces deux pays sont de longue date des alliés proches. Leurs intérêts économiques et militaires sont imbriqués.
Il y a trois mois, Modi, qui s’avère être un fin diplomate, a participé au sommet Russie-Chine-Inde de Pékin. Les trois principaux pays des Brics, main dans la main... On comprend pourquoi Narendra Modi pose tout sourire auprès de Xi Jinping et de Poutine pour la photo souvenir. Sans être grand clerc, on peut imaginer que ce sommet a été consacré au business mais aussi à torpiller le « vieux » monde issu de Yalta dont les coutures craquent déjà en Ukraine et bientôt à Taïwan. À lui seul, ce trio représente trois milliards de personnes, cela devrait compter…
Si le mot « diplomatie » a encore un sens pour l’administration Trump, c’est un vrai sujet. Malgré les coups de pression de Washington aussi spectaculaires qu’inefficaces, l’Inde, qui est le troisième consommateur de pétrole au monde, acquiert aujourd’hui 35 % de son or noir auprès de Moscou contre… 2,5 % seulement avant l’invasion de l’Ukraine et les sanctions prises contre le régime de Poutine. Ces achats constituent moins un choix politique de Modi que le résultat des rabais de prix accordés par les Russes, lesquels ont besoin d’argent pour financer leur (sale) guerre.
Les liens entre Delhi et Moscou ne s’arrêtent pas au pétrole. Ils sont aussi militaires. Le sous-continent achète beaucoup d’armes à son voisin. La rencontre bilatérale qui vient de s’achever aura permis d’avancer en particulier sur des livraisons d’avions et de systèmes de défense anti-aérienne. De quoi justifier le « partenariat sans limite  » vanté par Poutine qui englobe aussi dans cette expression son allié chinois.
Adepte du bilatéralisme dont il fait son credo, Donald Trump pourrait aussi méditer sur deux chiffres qui en disent beaucoup sur les relations entre l’Inde et la Russie : alors que les échanges entre ces deux puissances ne représentaient « que » 8 milliards en 2020 avant la guerre en Ukraine, ils dépassent cette année les 68 milliards, soit plus de huit fois plus ! Une partie de cette progression s’explique par l’achat de pétrole, mais les échanges de produits de consommation courante s’intensifient également. Avec son formidable marché intérieur, l’Inde est une « cible » de choix pour les entreprises de Moscou pour exporter leurs marchandises.
Ajoutons à ce tableau que les Russes ont un grand besoin de main-d’œuvre pour remplacer les hommes partis au front ou qui se sont expatriés. L’Inde est un vivier dans lequel Moscou va pêcher des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers pour faire tourner ses machines.
Narendra Modi n’a cependant pas coupé les ponts avec l’Occident. Il est temps pour nous de recoller les morceaux. On risque sinon de le voir se détourner vers des puissances qui ne cachent plus leur hostilité ni leur volonté d’expansion économique et territoriale…