
Edito hebdo - Le glaive et le bouclier
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 3 octobre 2025
Après Marine Le Pen, c’est maintenant au tour de Nicolas Sarkozy de se voir condamné « avec exécution provisoire ». Sa peine à cinq années de prison sera - au moins en partie – accomplie derrière les barreaux malgré l’appel interjeté et la tenue d’un nouveau procès, qui pourra d’ailleurs invalider le jugement rendu en première instance par la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris. On peut dès lors facilement imaginer que, dans l’esprit d’un grand public peu familier des subtilités de la Justice, le fait que l’ancien président de la République aille au moins pour un temps dormir en prison aura déjà valeur symbolique de « preuve » de sa culpabilité, alors même qu’il est toujours présumé innocent, n’ayant pas épuisé les voies de recours.
Le Parquet national financier avait requis sept ans, estimant cette peine « à la hauteur de la gravité des faits ». Sarkozy a été décrit pendant son procès comme le « véritable décisionnaire et commanditaire » d’un « pacte de corruption faustien (...) inconcevable, inouï et indécent » passé avec Kadhafi. De terribles accusations, en effet. Malgré un faisceau de présomptions assez étoffé, ni la procédure judiciaire ni les débats n’ont permis de faire la démonstration que de l’argent libyen a été effectivement utilisé pour le financement de la présidentielle de 2007. Exit la corruption passive. Exit le détournement de fonds publics et le financement illégal de campagne. Deux des principaux motifs ayant envoyé Sarkozy devant les juges ont fait l’objet d’une relaxe. Reste « seulement » aujourd’hui « l’association de malfaiteurs » pour laquelle il a été retenu coupable et qui va le conduire, sinon le cœur léger du moins à l’en croire « la tête haute », dans l’une des maisons d’arrêt de la région parisienne.
Cette notion d’« association de malfaiteurs » a été ajoutée en fin de procédure pendant la longue instruction de cette affaire. Les pénalistes y voient une façon plus facile de « coincer » l’ancien président, car moins exigeante en matière de preuves tangibles que la corruption par exemple. Elle est d’ailleurs assez souvent utilisée dans les affaires de grand banditisme et de terrorisme. D’aucuns y voient la volonté de faire tomber à tout prix l’ancien président puisque les autres accusations portées contre lui paraissaient plus fragiles.
Si elle n’a pas forcément ému dans l’opinion – Sarkozy n’y a pas que des amis –, sa condamnation « avec exécution provisoire » crée tout de même un certain malaise dans la classe politique et au-delà. Beaucoup pensent y deviner la vengeance d’une supposée République des juges. S’il n’y a aucune raison d’épargner l’individu Nicolas Sarkozy, qui doit être un justiciable comme les autres, ce jugement éclabousse la fonction suprême qui se trouve dégradée et déclassée, tant au plan national qu’au niveau international. La France rejoint ainsi le club peu enviable (Brésil, Afrique du Sud, Birmanie, Guatemala, Pérou, Égypte...) des pays qui ont embastillé leurs dirigeants ces dernières années.
Le glaive de la Justice a donc frappé. Cet exemple servira-t-il de bouclier pour protéger la moralité, l’intérêt commun, la République ? Il est certain que l’on n’aurait jamais imaginé le général de Gaulle être « accueilli » un jour à Fresnes, à Fleury-Mérogis ou à la Santé…