Edito - Le show et l'effr

Edito - Le show et l’effroi...

C’est un message aussi subliminal qu’inquiétant que la Russie vient d’envoyer à l’Union européenne en ciblant sa mission installée à Kiev : la semaine dernière, une pluie de missiles balistiques et quelque 500 drones ont attaqué la capitale ukrainienne, touchant plus de deux cents immeubles résidentiels et faisant une trentaine de morts parmi les civils. Les frappes étant désormais « chirurgicales » lorsqu’elles sont le fait d’armées sophistiquées, les bombes russes ne sont donc pas tombées au hasard. Désinhibée, Moscou n’hésite plus à s’attaquer ouvertement et symboliquement à l’UE… qu’elle accuse d’être agressive à son endroit. Miroir, ô mon miroir...

Tous les pays de l’Union ne sont pas membres de l’Otan – comme l’Autriche, Chypre, l’Irlande, Malte – mais tous ceux qui comptent militairement – par leurs armées ou par leurs technologies – en font partie : la France et sa dissuasion nucléaire, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, l’Allemagne et, depuis peu, la Suède et la Finlande qui, devant le comportement russe, ont rompu avec leur tradition de neutralité historique pour se ranger sous la bannière de l’Alliance atlantique. Pour résumer brutalement : que se passerait-il si un jour l’armée de Poutine détruisait des hommes et du matériel de l’Otan ? Une question officiellement sans réponse, mais qui agite bien sûr les états-majors…

Le poids de Donald Trump dans les négociations pour la paix en Ukraine ne pèse pas lourd face à la volonté russe d’obtenir d’abord une capitulation ukrainienne avant de se retourner éventuellement vers d’autres pays de l’ancien bloc soviétique pour en récupérer les territoires. Si les drones et les missiles sont restés au vestiaire pendant quelques jours après la rencontre entre le président américain et son homologue russe, aujourd’hui c’est comme si ces deux chefs d’État ne s’étaient pas parlé : la guerre continue de « plus belle », hélas. Les Américains ne peuvent que constater l’impuissance de leur diplomatie, brouillonne et ambiguë.

Pour Gaël Veyssière, ambassadeur de France en Ukraine, l’attaque meurtrière sur Kiev « prouve que les Russes pensent pouvoir continuer à exercer une double pression : militaire sur le front et psychologique sur les civils, avec un sentiment d’impunité. Ils croient pouvoir s’en sortir sans sanctions supplémentaires. Si tel est leur calcul, je pense qu’il importe de leur prouver qu’ils se trompent ». (Le Figaro, 28/08).

Poutine répond donc par le mépris. Cela lui est d’autant plus facile que les Américains ont exclu tout usage du nucléaire, même en paroles. Moscou compte donc sur le temps pour épuiser un ennemi courageux au-delà du possible, mais d’autant plus faible et fragile que le soutien américain ne va pas jusqu’à l’autoriser à utiliser des armes à longue portée pour atteindre la Russie en profondeur.

Cette dissymétrie militaire permet donc au Kremlin de continuer à souffler le chaud et l’effroi et à mener sa guerre jusqu’à l’effondrement d’une Ukraine qui arrivera tôt ou tard à bout de souffle. Les menaces de nouvelles sanctions de Donald n’ont pas l’air de beaucoup impressionner Vladimir...