Les larmes de crocodile

Les larmes de crocodile

« Approuvez ma faiblesse, et souffrez ma douleur,
Elle n’est que trop juste en un si grand malheur,
Si près de voir sur soi fondre de tels orages,
L’ébranlement sied bien aux plus fermes courages
 ».

Ces vers de Corneille, qui les fait prononcer à Sabine dans sa tragédie « Horace », semblent s’appliquer aussi bien à Élisabeth Borne, remerciée sans trop de ménagements lundi soir après un week-end passé sur le gril, qu’à son successeur Gabriel Attal qui, avec une majorité toute relative, aura bien besoin d’un « ferme courage » pour affronter les « orages » qui ne vont pas tarder à s’accumuler à l’horizon.
Usée à la corde par la douloureuse réforme des retraites, par la loi sur l’immigration, par les recours au 49.3 que d’aucuns ont trouvé abusifs, il n’est pas illogique que Mme Borne ait été priée de faire ses valises.
Une nouvelle fois, Emmanuel Macron doit trouver un nouveau souffle pour continuer à réformer un pays qui reste souvent droit dans ses bottes et campé sur ses conservatismes. Le proche avenir dira si un changement de Premier ministre suffira à recoudre le tissu avec les Français, par nature râleurs mais aussi assez désabusés de la chose politique.


Même s’il ne sera pas tête de liste aux élections européennes, le rendez-vous sera d’importance pour le nouveau chef du gouvernement, présenté par les médias comme le meilleur « rempart » contre Jordan Bardella et ses troupes du RN, qui sont crédités par les sondages de 30 % des intentions de vote. Une grosse gamelle pour les Macronistes, et l’autorité du Premier ministre sera d’autant plus entamée que dans son propre camp les appétits pour 2027 ne tarderont guère à sortir du bois. La liste est longue : Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Édouard Philippe, sans oublier Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez et quelques autres en embuscade.
Un « bon score » pour la relative majorité présidentielle consisterait à faire une honorable deuxième place, si possible pas trop loin des vainqueurs annoncés. Parce que les enjeux paraissent lointains, les Européennes sont traditionnellement un obstacle difficile pour le pouvoir en place. Le FN-RN y réalise de très bons scores (25 %). En juin, il sera intéressant de constater l’influence des représentants d’une nouvelle génération.
Attal devra convaincre à Matignon, ce ne sera pas le plus facile.


Une nouvelle fois, la gauche paraît larguée. Entre les langagières outrances de Jean-Luc Mélenchon, la position discutable de LFI sur le Hamas, l’avis de décès de la Nupes, l’électro-encéphalogramme plat du parti socialiste, le manque de visibilité des Verts, elle n’a toujours pas grand chose à espérer des mois à venir. Pour peser dans le débat, elle doit, comme toujours, se rassembler, mais c’est à peu près aussi probable qu’une baisse de la taxe foncière...


Il est assez réjouissant de constater que les syndicats d’enseignants et les spécialistes de la spécialité semblent aujourd’hui regretter le départ
de Gabriel Attal du ministère de l’Education nationale alors qu’ils ne ménageaient pas leurs critiques lors de sa nomination. Loin des yeux, près du cœur ?

Jean-Michel CHEVALIER

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