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[Tribune] - Cinéma : la fin du hors champ ?

Sénatrice d’un département où le 7e art rayonne dans le monde entier, grâce au puissant Festival de Cannes et au dynamisme de la « Commission du film des Alpes-Maritimes » qui a révélé la Côte d’Azur comme une terre de tournages privilégiée, je me réjouis de la résilience et de la performance du modèle français. De la production à la diffusion.


Par Alexandra BORCHIO FONTIMP
Sénatrice des Alpes-Maritimes

La Vie est belle !

Avec 181 millions de spectateurs en 2023, la France confirme son attachement pour l’expérience de la salle de cinéma et son appétence pour la diversité de l’offre proposée. Une reprise de la fréquentation essentiellement portée par la production nationale qui occupe 40 % de part de marché. Une exception européenne.
Quelle fierté pour notre pays !

Quatorze ans que le 7e art n’avait pas fait pas l’objet d’une évolution législative. C’est chose faite grâce au Sénat qui le 14 février a voté à l’unanimité la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France.
Nommée rapporteure de ce texte transpartisan, je ne peux que me réjouir d’avoir pu apporter des adaptions nécessaires en simplifiant la vie des exploitants, en garantissant l’accès aux films dans les territoires ruraux et en renforçant la lutte contre le piratage des œuvres.

Silence ça tourne !

Difficile de ne pas réagir, durant l’examen de ce texte, aux débats qui agitent le monde du cinéma ces dernières semaines autour d’affaires sordides. Des témoignages aussi courageux que poignants.
Et ce n’est que l’arbre qui cache la forêt.

Sept ans que le mouvement « MeToo » a réveillé la société. Toutefois, on observe encore une forme de complaisance latente.

Cette érotisation a broyé de nombreuses actrices, dont des débutantes qui doivent faire leurs preuves et se retrouvent dans une position de grande fragilité vis-à-vis de celui qui les dirige et sous la contrainte économique due au statut précaire d’intermittent du spectacle. Des mécanismes de domination, d’exploitation et de dépendance qui constituent de véritables entraves à la libération de la parole.
Il est temps de déconstruire également cette conception très française de l’artiste qui élève le génie créatif au-dessus de toute norme sociale. Notre conception du talent, de l’art et de l’artiste ne doit pas accepter la transgression des lois.
Il était donc temps d’apporter des réponses législatives à ce fléau afin de mieux prévenir et sanctionner les violences sexuelles lors des tournages. L’indignation et la compassion n’ont d’intérêt en politique que si elles cèdent la place à l’action.
Ainsi, le Sénat a souhaité envoyer un signal fort en votant une plus grande responsabilisation des producteurs délégués qui se verront rembourser les aides perçues par le CNC en cas de condamnation pénale pour des violences sexuelles lors des tournages et en l’absence du respect de ses obligations de prévention telles qu’elles existent dans le Code du travail.

En ce jour de cérémonie des César où la comédienne et réalisatrice Judith Godrèche prononcera un discours sur les violences sexistes et sexuelles, avant d’être entendue au Sénat la semaine prochaine, réfléchissons tous ensemble à ce qui peut être fait, pour aujourd’hui et pour l’avenir. Sensibiliser toute la société pour qu’elle sache accompagner les victimes, les protéger, et que celles-ci sachent précisément et immédiatement quoi faire en cas d’agression sexuelle. Agir pour que la justice ne mette plus des années à enquêter puis juger, amplifiant à l’infini la souffrance des justiciables.
Tout cela nécessite hélas du temps que nous n’avons plus pour répondre aux urgences des défaillances que nous avons toujours reniées.

Photo de Une ©Alexandra BORCHIO FONTIMP

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