Jean-Pierre Dick, vainque

Jean-Pierre Dick, vainqueur de la Route du Rhum, complète son incroyable palmarès

Une victoire rêvée

Elle lui avait échappé par 2 fois en 2006, puis 2010. Jean-Pierre Dick, 57 ans revient 12 ans plus tard pour conjurer son sort pour l’éternité au départ de Saint-Malo et se hisse sur la plus haute marche du podium de la catégorie Rhum Mono à Pointe-à-Pitre, à l’issue d’un incroyable scénario.

Couronnée d’un record, sa performance, ne l’a pourtant pas empêchée d’honorer sa réputation de “Gentleman des Mers”, lui qui n’a pas sourcillé pour porter secours à l’entrepreneur Normand Brieuc Maisonneuve, naufragé suite au retournement de son Rhum Multi. Jean-Pierre est allé le récupérer au pied de ses coques retournées et le débarquer aux Açores.

Après 5 années de transmission de son expérience de coureur au large, Jean-Pierre Dick avait voulu revenir aux sources de sa passion, toujours intacte : Nice et la Méditerranée, son père qui lui a transmis le virus du large il y a 30 ans tout pile, et, enfin, la performance sportive. Brute. Pour laquelle il ne lâche plus rien depuis mois afin de venir relever le défi d’accrocher la Route du Rhum à son pédigrée.
Le JP54 « Notre Méditerranée – Ville de Nice », compagnon de fortune
Un travail de préparation avec son équipe motivée, dont une partie est issue de ses années Vendée Globe, a permis de transformer le JP54 « Notre Méditerranée – Ville de Nice » en configuration solitaire.

Travail qui, devant le déchaînement des éléments, n’a pas été vain. Le JP54 « Notre Méditerranée – Ville de Nice » a d’abord dû enchaîner les fronts violents en début de course, faisant frapper la coque contre une mer désordonnée, puissante, de face.

C’est alors que, pensant être sorti d’affaire, il se déroute pour porter assistance à l’entrepreneur Normand Brieuc Maisonneuve, reconverti en skipper pour cette année, qui avait tout juste subi le retournement de son Rhum Multi, au large des Açores.

Son débarquement à Ponta Delgada n’aura fait que durer la peine, pendant de précieuses heures, le faisant traverser de nouveau des conditions difficiles, heurter la houle, soulevée par des vents violents, pour enfin déposer le marin rescapé dans un semi-rigide affrété par Adrien Hardy, à quelques milles de Ponta Delgada.

Une météo pas si simple

Le Gentleman des Mers Niçois n’a pas échappé au sort de l’ensemble de la flotte de la Route du Rhum en début de course, subissant des éléments déchaînés.

Comme pour tous, c’est dur. On dort peu, le bateau tape, beaucoup, violemment. Le bruit est constant. Le risque de casser et que tout s’arrête, omniprésent.

Le crochet par Ponta Delgada aux Açores bordait également le chemin d’incertitudes : Jean-Pierre allait-il réussir à accrocher les Alizés ? Allait-il au contraire, se faire enfermer dans l’anticyclone des Açores accourant par son arrière ?

L’expérience lui aura finalement permis d’éviter les pièges : profitant d’un maigre corridor de vent soufflant depuis l’Est, Jean-Pierre s’est acharné à conserver ses fragiles bénéfices pour faire glisser le JP54 « Notre Méditerranée – Ville de Nice » vers l’Ouest, et enfin accrocher ses premiers Alizés, timides pour commencer, qu’il a fallu mériter en dormant peu et en veillant aux nombreux grains.

Une trajectoire doublement payante, car, ce détour coûteux repositionne malgré tout Jean-Pierre sur la route directe vers la Guadeloupe, le dotant ainsi d’une précieuse avance sur sa première concurrente : Catherine Chabaud.

Tant et si bien, que, voulant bien faire, Jean-Pierre aligne les milles et entame sa fabuleuse accélération vers la ligne d’arrivée jusqu’à ce que sa voile maîtresse le lâche subitement. Un “Code Boost”, taillé pour les allures portantes, indispensable pour les Alizés.

C’est alors que s’ouvre une nouvelle bataille pour maintenir son avance sur Catherine Chabaud, qu’il aura réussi à conserver, passant de grains en grains pour arriver, éprouvé, jusqu’à la Tête à l’Anglais.

Jean-Pierre Dick marqué par le sauvetage du skipper Normand Brieuc Maisonneuve

Son émotion, il ne l’aura jamais cachée : « Une belle histoire d’hommes » nous a-t-il confié. « Lorsque Brieuc a dû plonger de son multicoque retourné, j’ai vu toute sa détresse. Quitter un monde qui ne peut plus vous appartenir pour aller vers un autre où une lumière d’espoir est permise. Ce regard marquera notre histoire avec Brieuc ».

Le jury de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe statue sur la demande de redressement de Jean-Pierre Dick suite au sauvetage : 8h de compensation sur son temps de course lui ont été accordées.

« Une décision juste », reprend Jean-Pierre, «  néanmoins, rien n’était joué. Mon bateau restait éprouvé et il me fallait à tout prix éviter de casser  ».

Un rêve de gosse

Les derniers 100 milles de la course ne seront que félicitée. Jean-Pierre arrive à la Tête à l’Anglais en tête de la flotte Rhum Mono, comptant 500 milles d’avance sur sa dauphine Catherine Chabaud.

Bien que ralenti par le lot de dévents et de casiers à éviter à l’Ouest de la côte de la Guadeloupe à longer, Jean-Pierre entre dans le Canal des Saintes victorieux, le visage buriné de 57 années de passion iodée, accueilli par Bilou, son inséparable compagnon de cordée pendant ses Vendée Globle, comblé de cette aventure, fier de son équipe et pour son père, qu’il souhaitait honorer.
Une Méditerranée en danger
Cette victoire, Jean-Pierre la dédie à sa ville natale, Nice, et à la Méditerranée, il s’en explique à mi-course : « Avant la fin de la course, je veux vous dire pourquoi j’ai baptisé le JP54 « Notre Méditerranée – Ville de Nice » : En tant que niçois, j’avais à cœur de mettre en avant la mer Méditerranée dont j’ai l’honneur d’être un représentant, aux côtés des coureurs français Kito de Pavant et Xavier Macaire. Quasi close et sans marée, j’ai le sentiment qu’elle subit un trafic maritime hors normes, des températures d’eau en hausse, et que ses enjeux de survie sont supérieurs aux autres mers de notre littoral. Cette mer est un joyau de notre patrimoine et il est à défendre aujourd’hui. C’est comme dans une famille, lorsque quelqu’un est malade : l’instinct du groupe fait que tout le monde se rallie à la cause du plus mal en point. Pour moi, ce ne sont pas seulement les « locaux du Sud » qui doivent défendre leur mer, mais bien les français qui doivent monter au créneau. C’est cette prise de conscience qui a animé le choix du nom de mon bateau et que je voudrais vous transmettre par ce message. Cet été, de nombreux médias se sont intéressés à la Méditerranée. J’ai vu de beaux reportages et les constats scientifiques douloureux qui vont avec. C’est une très bonne chose que la sauvegarde de la Méditerranée émerge à un niveau national. Les américains ne défendent-ils pas le Yosemite Park ? Et les brésiliens la forêt amazonienne ? À mon sens, l’objectif à atteindre pour avoir une mer en meilleure santé est de préserver sa biodiversité. Lorsque l’on voit la vie marine et sa richesse, on comprend vite que c’est là où réside tout le problème. Si nous arrivons à la maintenir et à l’accroître, nous aurons remporté une très belle manche. Évidement, vous pourriez me rétorquer : « Merci Jean-Pierre, tu ne proposes rien de concret ? » C’est bien vrai. Mais je veux commencer aujourd’hui par un cri du cœur. Cette énergie initiale est importante, un peu comme le « Forza ! » que vous avez été si nombreux à reprendre, et je vous en remercie.  »

Photo de Une : Jean Pierre Dick à l’arrivée ! © Thomas Deregnieaux

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