Jean-Paul Goude, une (...)

Jean-Paul Goude, une introspection artistique dans une âme d’enfant

Exposition « Introspection » jusqu’au 25 mai 2014 au Théâtre
de la Photographie et de l’Image. Rencontre exceptionnelle
avec l’artiste...

Cette exposition se nomme « Introspection ». Est-ce déjà un retour sur
votre longue carrière, en mettant en avant toutes vos périodes artistiques ? On devine votre âme d’enfant, présente à toutes les étapes de votre carrière...

C’est normal puisque mon travail est complètement tributaire de mon
enfance. Mais c’est aussi le reflet d’une carrière qui j’espère va durer
aussi longtemps que possible.

Le film diffusé dans le cadre de l’exposition montre qu’au début, vous
étiez un peu « touche à tout ». Quel a été votre premier contrat ?

« Touche à tout », c’est vrai mais c’est normal surtout quand on est
très jeune. Vers 14 ans, une des vieilles amies de ma mère du temps
où elles dansaient toutes les deux à Broadway, qui m’aimait bien,
m’avait prévenu que le danger pour moi était de me disperser, d’aller
dans toutes les directions. Or, je n’allais pas vraiment dans toutes
les directions, j’exprimais les mêmes choses que j’essaye d’exprimer
aujourd’hui d’une façon plus grossière, c’est tout. Ce qui fait de vous
un artiste, ne devrait rien à voir avec la maîtrise d’une technique ou
d’une autre, ce qui compte c’est de mettre en avant un univers, même
et surtout s’il n’est pas forcément conforme à celui des autres. Un univers qui change l’ordre établi. Le choix s’est en réalité fait tout seul.
A 20 ans, issu d’une famille modeste de la banlieue parisienne, il
fallait bien vivre ! Je n’avais pas les moyens de jouer à l’artiste. C’est
comme cela que j’ai eu la chance de pouvoir dessiner pour un grand
magasin Parisien et commencé à gagner ma vie.

Toute votre carrière montre une fascination pour les femmes, qui sont
souvent aussi vos femmes dans la vie privée et votre source d’inspiration : Grace Jones, Farida Khelfa, Karen Park Goude, votre épouse d’origine coréenne. Ce mélange vie privée-vie publique n’a jamais posé problème ?

Non pas vraiment, peut-être étaient-elles ravies qu’on s’occupe
d’elles ? On sait qu‘à toute époque les artistes ont dessiné, peint, sculpté, bref, ont fait l’apologie de la personne dont ils sont amoureux. Je n’ai donc rien inventé ! Je pense que la personne aimée est tout à fait flattée d’être le centre d’attraction, surtout si elle est amoureuse. Cela m’est arrivé plusieurs fois dans ma vie : vivre avec quelqu’un qui m’inspire, et que j’inspire en retour, et partir à l’aventure ensemble... Cependant, quand l’artiste devient une star et gagne beaucoup d’argent, ou qu’elle veut en gagner encore davantage, avec une attitude un peu mercenaire, ça peut devenir problématique.
Tant que la femme est amoureuse, c’est ok, mais si un grain de sable
vient s’immiscer dans la romance, c’est l’inverse qui se passe et vous
avez à souffrir des exigences souvent arbitraires et injustes de personnes à qui vous avez beaucoup donné.

Jean-Paul Goude - The Queen of Seoul , Paris, 2005. Jean-Paul Goude - Grace revue et corrigée , photo peinte, New York, 1978

Vous avez toujours usé d’effets spéciaux dans votre travail. Est-ce
que l’arrivée de nouvelles avancées techniques, comme Photoshop ou
autre, a plutôt été un frein ou une aide dans votre créativité ?

Il y a 30 ans, je faisais à la main presque tout ce que je peux faire
aujourd’hui avec Photoshop. Je faisais des montages que je rephotographiais sur de grands tirages et que je repeignais à l’huile pour
fabriquer des documents impossibles. Il ne faut pas oublier que je suis
un artiste graphique, je pars de la feuille blanche. Un photographe,
lui, enregistre l’action, saisit l’instant qui passe. Pour moi, c’est l’inverse : je fabrique une histoire. Et si j’ai recours au réalisme photographique, c’est dans la mesure où le public qui regarde soit ému d’une façon ou d’une autre. L’image de Grace Jones qui fait l’arabesque en est l’exemple parfait. Comme elle avait du mal à lever la jambe, j’ai retravaillé la photo (en découpant directement l’ektachrome) pour
obtenir le résultat que je souhaitais. Je ne vends pas mes dessins, le
les fais pour moi. C’est quelque chose d’organique, de vital.

Quels sont vos projets, après cette belle exposition ?

Tout a commencé avec l’expo des Arts Décoratifs à Paris en 2011-2012. J’étais sidéré par le fait que le public, d’ordinaire un peu bruyant
devant sa télé ou dans une salle de cinéma, non seulement faisait un
effort particulier dans le contexte d’un musée pour éviter de parler fort,
mais se concentrait sur les œuvres exposées. Cela m’a donné envie de
continuer et de partir en « tournée » avec mon expo comme si c’était
un spectacle que j’adapterais à différents lieux. Voilà pourquoi cette
exposition à Nice est tombée à pic. J’en prépare une à Tokyo dans le
musée d’Issey Miyake qui aura lieu en juillet prochain.

Photo de Une : Jean-Paul Goude - Galeries Lafayette : Jean Paul Gaultier, Made in mode, Paris, 2011

Jean-Paul Goude - Azzedine et Farida, tirage photographique découpé et ruban adhésif, Paris, 1985.

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