LES PROIES, de Sofia (...)

LES PROIES, de Sofia Coppola

Sofia Coppola signe « The Beguiled », une nouvelle adaptation - sur papier glacé - « Des Proies » (1971) de Don Siegel, un western situé à la fin de la guerre de Sécession. Le film est tiré du sulfureux roman de l’écrivain sud-américain Thomas Cullinan, « Les Proies », publié en 1966. Un petit chef d’oeuvre de perversité dans lequel un caporal nordiste, blessé en Virginie, fait irruption dans l’univers, clos et mortifère, d’un pensionnat de jeunes filles et devient le jouet de ces dames.

L’institution sudiste où elles survivent est isolée du monde, dans une nation coupée en deux par la guerre civile.
Le soldat blessé viole, par sa seule présence de mâle et de yankee, la magnifique demeure où ces vierges s’affolent en abeilles effrénées. Reine de ce guêpier, Nicole Kidman prend des décisions qu’elle impose à ces pensionnaires. Ainsi, cet homme sera sanctionné par une castration symbolique et, pour finir, par une spécialité des champignons cueillis par la plus jeune d’entre elles.
La lecture proposée par Sofia Coppola minimise la tension sexuelle et la violence, souterraine ou pas.

Des images superbes donnent un joli emballage à ce film fait de minauderies et d’attitudes coquettes.

Mais, l’atmosphère frémissante, toute en suspension et en attente, n’a pas la perversité jouissive du roman et du film de Siegel. Dans cette histoire de proies et de prédateurs, qui est la proie de qui ? Il n’y a pas des proies, mais une seule. La proie, c’est lui, le mâle...
Loin du charisme de Clint Eastwood, Colin Farrell n’a aucun sex appeal, tout en étant cependant objet de désir. Il n’y a aucune autre présence masculine que celle de ce soldat qui joue au mâle dominant. Il est, en fait, dominé par ces dames en falbalas qui l’enserrent de leurs attentions et de leurs menaces, car il déclenche une foule de sentiments variés au sein de ce microcosme féminin. S’il pense en tirer profit, il va être confronté à une hiérarchie bien structurée et à une sexualité réprimée.

Les contacts avec l’extérieur sont rares, la splendide propriété étant entourée de forêts dignes d’un conte de fées. Et ce ne sont pas des fées qui logent ici, mais des femelles vénéneuses en mal d’amour, oubliant toute la bienséance de leur éducation stricte. Impitoyables et solidaires, malgré les rivalités qui vont bon train donnant libre cours à l’agressivité, elles attisent à qui mieux-mieux le désir du seul mâle qu’elles ont « sous la dent ». Pour trouver sa place dans l’institution, celui-ci séduit chacune des jolies pensionnaires avec des mots adaptés à celle qu’il cherche à manipuler. Des mots supposés correspondre à leurs fantasmes - plus ou moins - romantiques. La violence peut survenir à tout moment, qu’elle soit feutrée ou explosive.

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Stars Addison Riecke, Angourie Rice, Elle Fanning, Emma Howard, Kirsten Dunst

Un casting très classe réunit Nicole Kidman qui reprend le rôle tenu par Geraldine Page.

En professeur stricte, Kirsten Dunst est déjà une habituée du cinéma de Sofia Coppola (« Virgin Suicides », « Marie-Antoinette ») et Elle Fanning a fait ses débuts dans « Somewhere ». Enfin, donc, Colin Farrell succède à Clint Eastwood.
De « Virgin Suicides » (1999) à « Bling Ring » (2013), en passant par « Marie-Antoinette » (2006), le cinéma de Sofia Coppola a évolué vers davantage de maturité, mais son horizon de jeunes filles blondes en robes immaculées ne change guère. Bien sûr, tout est beau, très beau, trop beau, dans « Les Proies » qui a obtenu le Prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes.
Caroline Boudet-Lefort

Sortie nationale en salles le mercredi 23 août 2017 -

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