Still the water

Still the water

Naomi Kawase a tourné « Still The Water » sur l’île d’Amami où les habitants, à l’écart de la société mondialisée, vivent en harmonie avec la nature qu’ils vénèrent comme un dieu.

Pour eux, la frontière entre la vie et la mort reste floue.

Aussi, lors de la mort d’un proche, considèrent-ils la séparation comme temporaire dans l’écoulement du temps. Leurs moindres gestes semblent relever d’un cérémonial très ancien et l’apaisement émane de cet art de vivre bien loin de celui de l’ordre dominant. La réalisatrice venait d’apprendre que ses ancêtres étaient originaires de cette île et, se sentant porteuse d’un héritage, elle a approfondi leurs coutumes et leurs rites, avant leur disparition : le film se termine sur des machines aux dents broyeuses qui déracinent des arbres centenaires pourtant considérés comme des dieux par les habitants.

Deux jeunes ados amoureux vivent sur cette île, leur attirance sexuelle s’exprime dans la timidité.

Ensemble, ils apprennent à devenir adultes, tandis que chacun subit des drames familiaux. La jeune fille assiste sans l’accepter à la lente agonie de sa mère qui est chamane et le garçon découvre les infidélités de sa propre mère en même temps qu’il tombe sur un cadavre anonyme rejeté par la mer lors d’un typhon (spectaculaire scène de tempête). Les thèmes de la mort, la symbiose entre l’homme et la nature, la mémoire d’un lieu, les cycles de la vie et sa transmission d’une génération à l’autre, sont les thèmes retrouvés dans chacun des films de Naomi Kawase. Pourquoi avoir peur de la mort ? La vie a un lien avec la mort, un lien oublié. Nous retournons d’où nous venons raconte ce film en incitant à rester humble face à la nature, comme le dit Papi Tortue, un vieil homme rempli de sagesse.

Dès le début, le passage de la vie à la mort est figuré par une chèvre égorgée sous nos yeux.

Mais, c’est en poète sensualiste et mélancolique que la réalisatrice évoque ce monde, ses souffrances, sa part indéchiffrable. Elle crée un climat onirique et envoûtant pour raconter la mort d’une mère, les rites qui l’entourent, les chansons chantées pour accompagner la mourante, la vie qui continue, l’amour des siens, les derniers petits gestes avant le grand départ, le déchaînement de la nature. De magnifiques vues aériennes survolent l’île et son abondante nature subtropicale dont le vert s’harmonise avec l’encerclement du bleu de la mer. Une mer parfois calme parfois furieuse.

Ce très beau film en compétition à Cannes, cette année, aurait pu décrocher la palme que d’aucuns lui accordaient pour cette méditation toute en douceur, et le talent évident de la réalisatrice pour le cadre et la lumière.
Une sérénité fluide et une infinie douceur baignent tout le film et procurent une émotion fragile et délicate devant tant de beauté sans artifice. Naomi Kawase a déjà été primée à Cannes, en 1997, pour son premier film « Suzaku » qui reçut la Caméra d’or et pour « La forêt de Mogari » couronné du Grand Prix en 2007.

Photo de Une : © Haut et Court

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