
Ubu roi au pays de Descartes
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 6 juin 2025
L’angoisse du « body summer » conduit un certain nombre d’entre nous à s’offrir un petit régime pour paraître plus svelte sur la plage. Le temps presse... Cela fait donc les affaires des sites spécialisés qui vendent (cher) un abonnement pour une nourriture, certes maigre, mais garantie équilibrée. C’est de cette façon que les régimes amaigrissants engraissent des petits malins qui ont flairé le bon filon.
François Bayrou, qui doit absolument trouver 40 milliards d’économies pour le budget de l’an prochain, n’a pas encore remis sa copie promise pour le 14 juillet qu’il a déjà reculé sur les transports sanitaires effectués par les taxis et ambulanciers. Deux corporations rendant d’éminents services aux malades, mais à des tarifs exponentiels depuis plusieurs années, que les comptes exsangues de la Sécu ne peuvent plus supporter. Les chauffeurs sont désormais victimes d’une « accoutumance » à ces courses sanitaires fortement tarifées sans lesquelles leurs petites entreprises connaîtraient la crise.
Les plus anciens d’entre nous se rappellent des Shadocks, personnages drôlatiques qui pompaient sans savoir vraiment pourquoi. La voix si particulière de Claude Piéplu ajoutait à l’absurdité de la situation. On a retrouvé ce même esprit Shadock il y a quelques jours au palais Bourbon lorsque – accrochez-vous – les partisans de la loi en discussion pour « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » ont déposé une motion de rejet préalable contre... leur propre texte. Selon eux, c’était le seul moyen d’éviter le « blocage organisé » par les députés écologistes et insoumis qui avaient déposé des milliers d’amendements. Du billard à trois bandes, que le Père Ubu n’aurait pas renié...
La cour administrative d’appel de Toulouse a autorisé la reprise des travaux de l’A69 entre la ville rose et Tarbes, autorisation qui avait été annulée par le tribunal ayant eu à juger l’un des quatorze recours introduits contre ce nouvel axe. L’utilité de cet équipement autoroutier est fortement contestée par les écolos qui dénoncent un massacre de l’environnement pour un gain de temps de 15 minutes seulement (à condition qu’il n’y ait pas de bouchon). Si les sociétés construisant l’A69 ont obtenu la suspension de l’arrêt des travaux ordonné en première instance, c’est seulement pour donner du temps au temps, et juger l’appel au fond. L’affaire va donc connaître de nouveaux rebondissements, dont la loi de validation du Sénat qui a reconnu « l’intérêt public majeur » de cette réalisation. Si elle est adoptée, il faudra encore attendre le feu vert du Conseil constitutionnel, et l’avis du Conseil d’État sur la validité de la concession accordée à l’aménageur. Rien n’est simple au pays de Descartes. Les Shadocks – pardon les usagers – devront encore patienter pour rouler sur cette autoroute. Ou pour constater, si le projet est définitivement enterré, la remise en état des lieux et le gaspillage de centaines de millions d’euros.
Et pour rester dans le domaine de la circulation, vous êtes priés d’assister à la messe de requiem et de verser des larmes de crocodile sur les Zones à Faibles Émissions (ZFE) qui s’en vont rejoindre sur l’étagère des projets mal ficelés les « écotaxes » de Ségolène Royal dont les portiques, inutiles et disgracieux, continuent à décorer nos autoroutes, dix ans après leur abandon. Une plaisanterie qui avait aussi coûté quelques centaines de millions d’euros à l’État.