Dividendes 2020 : feu

Dividendes 2020 : feu vert pour les financements à effet de levier ?

Dans le prolongement des annonces de mesures de soutien aux entreprises mises en place par l’Etat français, la déclaration du ministre de l’Economie du 27 mars 2020 aux termes de laquelle "les entreprises qui demandent l’aide de l’Etat ne devront pas verser de dividendes" a fait naître une vague d’inquiétude dans le monde des financements structurés(1).

Par le cabinet d’avocats CMS Francis Lefebvre Avocats mobilisé pour apporter son expertise sur les mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire actuelle.

- C’est tout particulièrement s’agissant des opérations de financements à effet de levier, au premier rang desquelles figurent les opérations dites "LBO" (Leveraged Buy-Out), que cette annonce a pu inquiéter.

Les acteurs de ces opérations – dans lesquelles la remontée des dividendes est essentielle en ce qu’elle est la source principale (sinon exclusive) de remboursement de la dette bancaire d’acquisition – craignaient d’avoir à choisir entre le versement de dividendes et les mesures de soutien en trésorerie.

La publication le 2 avril 2020 par le Gouvernement d’un document intitulé "Engagement de responsabilité pour les grandes entreprises bénéficiant de mesures de soutien en trésorerie" devrait apaiser ces inquiétudes car y sont précisés notamment les aspects suivants du dispositif.

Objectif.
Les grandes entreprises bénéficiant d’une mesure de soutien en trésorerie (qu’il s’agisse d’une demande de report d’échéance fiscale et sociale ou d’un prêt garanti par l’État (PGE)) doivent s’engager au cours de l’année 2020 (à compter du 27 mars 2020) à (i) ne pas verser de dividendes à leurs actionnaires (hors obligations légales) et à (ii) ne pas procéder à des rachats d’actions.

Entreprises visées.
Seules les "grandes entreprises" sont soumises à cet engagement. Cela vise aussi bien une entreprise indépendante qu’un groupe de sociétés qui employait au moins 5 000 salariés ou2 générait un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 1,5 milliard d’euros en France au titre du dernier exercice clos. S’agissant d’un groupe, l’engagement concerne toutes les entités françaises du groupe, et ce, même si seulement certaines de ces entités bénéficient d’une mesure de soutien en trésorerie.

Champ et forme de l’engagement.
L’engagement doit s’entendre largement : outre le versement de dividendes, toutes les autres formes de distributions en numéraire ou en actions et, notamment, les acomptes sur dividendes ou les distributions exceptionnelles de réserves sont interdites. Le document indique que cet engagement sera formalisé. S’agissant par exemple d’un PGE, l’engagement doit faire l’objet d’une clause résolutoire qui serait introduite dans le contrat au moment de l’instruction de la demande de prêt par les services du ministère de l’Economie et des Finances ; ce qui ne manque pas de susciter des interrogations.

Autorisation des dividendes intragroupe.
Toutefois, à titre d’exception, le communiqué du Gouvernement précise que les distributions de dividendes intragroupe sont autorisées lorsqu’elles ont "pour effet au final de soutenir financièrement une société française (notamment lui permettre de respecter ses engagements contractuels vis-à-vis de ses créanciers)". Cette précision semble clairement destinée à exclure de l’interdiction les financements à effet de levier.

Sanctions.
Le non-respect de cet engagement de solidarité fera l’objet de sanctions allant, en matière de PGE, du refus d’octroi de la garantie de l’Etat au remboursement immédiat de l’intégralité des sommes prêtées. Si l’entreprise a sollicité des reports d’échéances, l’absence d’engagement ou le non-respect de cet engagement lui fera perdre le bénéfice d’un accord de délai pour l’échéance reportée et l’exposera à des majorations de retard.

D’ores et déjà, bien que dépourvu de valeur normative, le dispositif esquissé par cette communication gouvernementale doit rassurer les acteurs des financements à effet de levier. Ces derniers ne devraient pas être contraints de choisir entre le bénéfice des mesures de soutien de l’Etat et les remontées de dividendes nécessaires au fonctionnement de telles opérations.


1. "L’encadrement des dividendes inquiète les professionnels du LBO", Aroun Benhaddou 31/03/2020 L’AGEFI Quotidien / Edition de 7H
2. Les critères de salariés et de CA retenus ici semblent alternatifs alors que les textes relatifs à la garantie de l’État évoquent les mêmes critères qui doivent être cumulatifs.

Visuel de Une (illustration DR)

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