
Celyne Roy : « Respecter l’habitat dans lequel nous sommes invités »
- Par Marine Einaudi --
- le 7 juin 2025
La photographe spécialisée dans l’image aquatique évoque son travail, tour à tour beau et effrayant, à quelques jours de l’ouverture de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan à Nice.
« Gamine, j’avais cet appel de la mer mais je n’aimais pas forcément voir ce qu’il y avait sous l’eau. » Celyne Roy a, depuis, exorcisé sa peur puisqu’elle explore le monde sous-marin pour saisir ce que les profondeurs des océans ont à offrir. Elle aime évoquer la singularité de son lieu de travail, de sa fragilité, et de ce qu’elle a mis en place pour le préserver : « Je fais signer la charte de l’invité aquatique pour que mes clients soient sensibilisés à la beauté des lieux, je leur explique comment ne pas déranger, comment respecter l’habitat dans lequel nous sommes juste invités. »

De 2016 à 2020, la trentenaire a séjourné en Asie, entre la Malaisie, la Thaïlande, l’Indonésie… « J’y ai observé une pollution croissante, du plastique notamment. Un jour, lors d’une plongée classique, on s’est retrouvés dans une mer de cotons-tiges, d’emballages individuels, de gobelets, de pailles… C’était clairement la poubelle du tourisme. » D’un tourisme de masse qui s’adonne au ’whale watching ’ en embarquant avec des tour-opérateurs qui nourrissent les baleines ou les requins pour satisfaire la curiosité des badauds.Celyne, elle, revendique une approche respectueuse de la faune sous-marine :« On a tous envie de toucher mais il faut savoir se retenir un peu. »
Et c’est en se conformant à cette philosophie, en se laissant bercer par le ressac imprévisible des mers et des océans qu’elle a pu faire les rencontres les plus émouvantes et des clichés uniques.
Pare-Batt, le dauphin

Des histoires d’eaux profondes, la photographe-apnéiste en a glanées avec de la patience, et de la chance aussi. Elle nous guide dans son album photos. C’est encore avec de l’émotion dans la voix que Celyne se rappelle de Pare-Batt, ce dauphin solitaire qui a passé deux ans à arpenter le littoral azuréen. Il a accordé un privilège aux hommes quand, lors d’une compétition d’apnée dans la rade de Villefranche « il suivait les apnéistes dans les 15 premiers mètres puis les attendait pour les accompagner de retour vers la surface… On a essayé de le préserver pendant toute cette période, de ne pas le toucher, de ne pas diffuser d’images pour le protéger. » Et puis un jour, Pare-Batt a disparu. Aura-t-il rejoint un groupe ? La photographe l’espère. Aujourd’hui, elle peut exposer les images du dauphin au public sans porter atteinte à son intégrité. Autre mer, autre émotion… c’est au large de la barrière de corail en Polynésie française, entre 5 et 12 mètres de profondeur qu’une nouvelle surprise attendait Celyne. « Ce jour-là, toutes les conditions étaient réunies. Et soudain, elle est apparue : la raie léopard. Seule, lente, superbe. Elle glissait avec grâce, libre, à quelques mètres de nous. Pendant plus de trente minutes, nous avons pu la photographier. »
L’affaire de tous

L’ONU peut donner un cadre en matière de préservation des océans mais pour Celyne Roy, c’est d’abord nous les acteurs du changement, chacun à son échelle. Et de saluer les choses qui bougent déjà et qu’elle a pu observer, notamment à Madagascar avec ces associations qui étudient la mégafaune sous-marine et se mobilisent pour une observation raisonnée des mammifères marins, en Indonésie, où des citoyens tentent de sensibiliser aux méfaits des microplastiques, sur la Côte d’Azur, où des volontaires organisent régulièrement des nettoyages des rivages ou encore avec SOS Grand Bleu et ses actions pour une observation intelligente des cétacés. La préservation des océans, « c’est vraiment l’affaire de tous. »